Statistiques | Nous avons 20 membres enregistrés L'utilisateur enregistré le plus récent est Sylvio Corléone
Nos membres ont posté un total de 36449 messages dans 1286 sujets
|
| | Le Démon d'un Autre Monde - version réécrite | |
| Auteur | Message |
---|
honest
Messages : 2044 Points : 2067 Réputation : 3 Date d'inscription : 03/01/2015 Age : 25 Localisation : Stairway to heaven
| Sujet: Le Démon d'un Autre Monde - version réécrite Lun 4 Nov - 13:41 | |
| Troisième fois que je repose ça ici... mais bon... Je zappe juste la préface que je dois réécrire un moment où j'aurai du temps... Y a un prologue qui n'a d'utilité qu'avec le tome qui se déroulera avant... Chapitre 1 - Quel ennui...- Spoiler:
“Mais, est-ce que ce ne serait pas… ? Si, c'est bien lui… Hé ! Dan… Qu'est-ce que tu fais ? Un Duel ? Oh, je vois. Et tu affrontes qui ? Vas-y ! Bats-le !………… Hé, mais c'est quoi cette chose ? Un… un… UN DÉMON !!!……… À L'AIDE, DAN, AIDE-MOI !!!! NOOOOOOON”.
Je me réveillai en sursaut, limite en tombant de mon lit. Aïe ! Ce n'était jamais agréable de tomber de son lit, même s'il se trouvait à moins de cinquante centimètres du sol et que celle-ci était couverte de moquette. Je réussis péniblement à y remonter et retirer la couverture jusqu'au niveau du cou. Je ne pris même pas la peine de regarder mon réveil pour savoir quelle heure il était. S'agissait-il d'un affreux cauchemar ? Cela en avait tout l'air, mais c'était également étrange. Je n'avais pas l'habitude que mon subconscient me joue ce genre de tour. Et puis, pourquoi Dan s'y trouvait ? Qui était ce Dan ? Un des garçons de ma classe de première au lycée d'Akinokuwa. Quelqu'un d'assez séduisant, plutôt beau gosse lorsqu'on le regardait de plus près. En tout cas, les autres filles le trouvaient irrésistiblement craquant, avec ses airs de "loup solitaire" n'aimant pas se faire remarquer. Cependant, dans ce rêve, Dan livrait un Duel contre une espèce de truc étrange et qui avait également l'air de s'en prendre à moi. Lorsque l'on n'est nullement habituée à faire ce genre de rêve étrange, la réaction que j'eus pouvait paraître tout à fait normal. Mais, étrangement, après ce cauchemar, je me mis subitement à penser à Dan Lotyuwi, jusqu'à ce que mon réveil sonna, c'est-à-dire quatre minutes après l'instant où je fus de nouveau installée dans mon lit. La poisse ! Et dire que j'avais la sensation d'être de plus en plus fatiguée, ces temps-ci… Quelle joie de rater ne serait-ce que quatre minutes de sommeil…
C'était vraiment un garçon étrange, très étrange… ce Dan. Vraiment très étrange ! Dire pourquoi il était étrange nécessiterait une explication dépassant un mémoire universitaire, mais en même temps, c'était plutôt simple. Il n'était pas comme une partie des autres jeunes de son âge, qui se complaisaient à se pavaner et frimer, mais en même temps, il n'avait pas l'air d'être le genre de type à rester isolé 24h sur 24. Quant à moi, qu'est-ce que je pensais de lui ? Pas grand chose pour être honnête. Je n'avais pas spécialement de sentiments à son égard, à part une vague amitié. L'aimais-je ? Non, il n'était pas spécialement mon type. Trop fumiste à mes yeux, ce que je ne supportais pas. Et pour être fumiste, il l'était bien, le Dan, sans aucun doute. Il passait le plus clair de son temps à rater les cours, m'obligeant ainsi à me coltiner la lourde tâche de tout récupérer pour lui. La question était plutôt de savoir s'il le faisait volontairement ou non, ce qui constituait un autre sujet de discussion. Mais le fait qu'il ne daignait pas être présent au lycée m'énervait pas des masses. Je ne comprenais juste pas du tout pourquoi c'était à moi de rattraper ses cours… peut-être parce que nos maisons respectives étaient face-à-face dans la même rue et peut-être parce que j'étais la déléguée de classe.
Dans l'ensemble, Dan était quelqu'un de très compliqué : à la fois le meilleur de la classe, probablement du lycée, celui qui s'ennuyait le plus en cours et également le détenteur du record d'absentéisme. Je ne savais même pas si l'on pouvait en déduire une équation mathématique. En général, Dan était quelqu'un d'asocial, qui ne parlait pas beaucoup aux gens, moi y compris, bien que je lui prenais ses cours lorsque l'envie lui prenait de les sécher. Petite question : à quoi pouvait-il bien ressembler ? 17 ans, stéréotype du beau brun châtain avec de jolis yeux marrons, trois cicatrices sur le visage, une petite sur la tempe droite, une autre au niveau de l’œil gauche et la dernière au niveau de la joue gauche, réalisée en s'étant battu une fois au lycée. À mon avis, cela devait sans doute le gêner de les montrer à tout le monde, ce qui expliquait pourquoi il portait souvent un chapeau. Dan était le genre de personne à être très respectée par l'ensemble de l'établissement. Pourquoi ? Aucune idée. Sa vie, en dehors du lycée, était vraiment un mystère. Je ne l'avais jamais vu flâner avec un groupe d'élèves à la terrasse d'un café en ville.
Dan pouvait effectivement ressembler à un hikikomori avec ce genre d'attitude. Néanmoins, il y avait une seule personne avec laquelle il osait parler : sa gouvernante, Shizuka Guzi. C'était elle qui s'occupait de lui depuis que ses parents furent portés disparus il y a pas mal d'années de cela. Je n'eus aucune idée de ce qui leur arriva. Sa gouvernante était une dame vraiment très aimable et adorable. Le mot “gentillesse” a dû être spécifiquement crée pour elle. Elle me saluait toujours à chaque fois que je la voyais. Elle était toujours aux petits soins pour Dan. Et lui, visiblement, semblait éprouver un immense respect pour elle, presque de la vénération. Une fois, par un heureux hasard, je l'avais aperçu chez un fleuriste afin d'acheter un bouquet à Shizuka. Discrètement, je l'avais espionné et j'avais compris qu'il lui préparait une surprise avec une immense composition florale. Je sentais que Dan était très attaché à sa gouvernante, qu'il considérait sans doute comme une mère, étant donné qu'elle prenait énormément de temps pour lui. Et le fait qu'il séchait les cours quand ça lui chantait n'avait nullement l'air de l'inquiéter. Elle ne le lui avait jamais reproché en tout cas, ce que je trouvais plutôt classe.
Au fait, je parlais de Dan mais je ne me suis pas présentée. Moi, c'est Mina Mizunori. J'ai également 17 ans et suis en première au lycée, et déléguée de classe. Et j'étais sur le point de vous raconter ma vie, entre ennui, passion, joie et tristesse, et longues journées de cours. En l'occurrence, en ce mercredi 20 janvier, ce n'était pas la joie : deux heures d'histoire, une d'anglais, une de maths et l'après-midi, deux heures de physique et de sport. Oui, on avait cours le mercredi après-midi mais c'était exceptionnel – petite histoire avec l'administration que je ne mentionnerai pas –. Et pour couronner le tout, ce midi-là, on avait encore un Duel de Warren Fuzenki. Cette fois, il avait décidé de passer ses nerfs sur un pauvre gars qui l'aurait apparemment regardé de travers… un petit nouveau du nom de Kuzmo Reele. Et ça, c'était la seconde ombre au tableau dans cette journée, la première étant la physique, que j'abhorrais complètement.
Qui est ce Warren Fuzenki ? Tout comme chaque établissement scolaire avait ses brillants génies, comme Dan, tout établissement scolaire disposait aussi d'un panel d'élèves pour qui les études n'avaient pas réellement d'entrée dans le dictionnaire. Il s'agissait de gens totalement décrochés, dénués de bon sens et ne recherchant que la pagaille la plus totale. Et Warren était l'un d'entre eux. C'était une sorte de loubard, rebelle, mauvais élève et obséquieux avec l'autorité. Le genre de type que tout le monde détestait mais qui savait imposer sa loi. Rien que sa présence suffisait parfois à décourager Dan de venir car Warren n'arrêtait pas de lui chercher des noises, dans l'espoir où, un jour, il finirait par le pousser à bout et l'affronter en Duel. Il y avait ça déjà, mais aussi, le fait que la journée soit assez longue constituait en soi un motif pour que Dan ne vienne pas en cours. Passer six heures vissé sur une chaise à écouter des trucs plus ou moins intéressants, ça ne devait pas être sa tasse de thé. Donc, selon mes estimations, il devait bien y avoir 99% de chances pour que ce soir-là, je fasse des photocopies pour les donner à Shizuka… Oui, Dan ne prenait même pas la peine de sortir de chez lui pour traverser la route et sonner à ma porte pour récupérer ses cours. Quel fumiste ! Toutefois, ce jour-là, il y avait un Duel, ce qui explique le 1% restant. Dan adore assister aux Duels, ce qui paraissait étrange puisqu'il s'était inscrit au club de Duel du lycée, sans jamais y mettre les pieds au moins une fois.
Et moi dans toute cette histoire ? Est-ce que je jouais à Yu-Gi-Oh ! ? Pas du tout. Je connaissais évidemment les règles, et… sans trop me vanter, si je voulais y jouer, je pense que je ne m'en sortirais pas trop mal. Mais j'occupais un rôle assez important : celui d'arbitre officiel du lycée. Je devais appliquer les règles en matière de Duel et de comportement extra-sportif – ce jeu était considéré comme un sport depuis sa création à la fin des années 1980 et rassemblait de plus en plus d'adeptes –. J'étais intégrée au club de Duel, presque de force, et surtout parce que Dan s'y trouvait également. À vrai dire, je ne m'en plaignais pas. Je savais que je pourrais me débrouiller sans trop de problèmes avec un peu de pratique. Mais… je n'aimais pas jouer, ou du moins, je ne voulais pas jouer, de peur de me retrouver face à Warren.
En ce qui me concernait, ce n'était pas une journée bien plaisante, et en grande partie à cause du Duel à midi. S'il y avait bien quelque chose que je détestait par dessus tout, c'était d'arbitrer un Duel de Warren, tellement ce type me courrait sur les nerfs à longueur de temps. Toujours à râler sur tout le monde, à intimider ses adversaires et l'arbitre pour gagner plus facilement. Bien sûr, j'essayais de rester solide la plupart du temps. Durant les trois années qu'il a passé au lycée, puisqu'il avait évidemment redoublé, il avait livré pas moins de 198. Cela pouvait paraître immense, mais comme il n'affrontait que des débutants ou des personnes terrifiées à l'idée d'être plus qu'un punching-ball de Duel, ses combats se résumaient très souvent à une correction. Pour ma part, je m'étais toujours efforcée de ne pas l'avantager, et par conséquence, d'enfoncer ses adversaires, ce qui me valut bon nombre de menaces de sa part. Menaces, qui, sans la présence limite salvatrice de Dan, auraient été mises à exécution. Dan était la seule personne qui était capable de s'opposer à Warren en toute tranquillité, sans se faire pulvériser à la fin.
Mon détail du début de journée : Sept heures, je me levai, comme d'habitude. Je déjeunais, comme d'habitude. Tasse de thé, bol de céréales avec du lait et du miel, toasts avec de la confiture de framboise, comme d'habitude. Mon animé préféré à la télévision, comme d'habitude. J'aimais beaucoup prendre mon temps pour déjeuner, surtout quand la journée qui s'annonçait risquait d'être très longue. J'allai ensuite me laver, m'habiller et préparer mes affaires. Et comme je prenais trop souvent mon temps, je devais aussitôt compenser en me dépêchant de ne pas rater mon bus qui devait me déposer devant le lycée. D'ailleurs, lorsque je sortis de chez moi, après avoir fermé à clé, je remarquai la présence de Shizuka, toujours vêtue de son grand kimono rose pâle, en train de balayer les quelques feuilles mortes qui étaient collées sur le large perron de la grande maison au 26, Kamen Street. J'y vis alors l'occasion de savoir si Dan comptait venir en cours ce jour-ci :
« Bonjour madame Guzi, dis-je avec un air enjoué et avec un geste amical du bras, une fois arrivée devant le portail de la maison. - Oh, bonjour Mina, comment vas-tu ? me répondit-elle en allant à ma rencontre, son habituel sourire maternel sur le visage. - Comme d'habitude, une journée longue aujourd'hui. - Ah je comprends, c'est mercredi et vous travaillez cet après-midi. - Exactement. Au fait, je voulais vous demander si Dan allait venir au lycée aujourd'hui ? »
Le regard de Shizuka prit soudainement un air pensif. Je ne l'avais pas très bien remarqué sur le coup mais, en y repensant, c'était comme si elle cherchait une excuse sans trop le cacher.
« À vrai dire, le pauvre petit a passé une mauvaise nuit et ne pensait pas venir. En plus, il a vu que c'était mercredi et qu'en plus, il y avait cours cet après-midi, donc ça l'a encore plus découragé. Après, il y a une chance pour qu'il vienne manger ce midi. - Ah…, dis-je, déçue. - Il m'a quand même certifié que si ça allait mieux ce matin, il viendrait cet après-midi. En attendant, est-ce que ça te dérange de lui prendre les cours de ce matin, s'il te plaît ? »
Comment dire non à un tel sourire ? C'était tout bonnement impossible. Bien sûr, je m'attendais à ce que la question me soit posée mais il fallait bien comprendre que lorsqu'une femme aussi adorable que Shizuka, avec un sourire des plus enjôleurs, des yeux qui donnaient l'illusion de cacher quelque chose de terrible si l'on refusait, il valait mieux accepter. Honnêtement, même si je m'étais une fois demandée ce qui se passerait si je lui disais “non”, je n'avais pas envie de voir son visage déçu. Shizuka ne devrait pas être le genre de personne à ressentir de la tristesse. C'était la joie et le bonheur incarné.
« Non, non, ça ne me dérange pas du tout. Je les lui donnerai cet après-midi s'il vient. - D'accord, c'est vraiment adorable de ta part, Mina. Tu es vraiment quelqu'un de très serviable et Dan a de la chance d'avoir une amie comme toi. - Vous me flattez, madame ! dis-je, passablement gênée. - Je te souhaite une bonne journée, Mina. - Merci, vous aussi, madame. »
Alors, comme prévu, monsieur Dan Lotyuwi ne comptait pas faire acte de présence. Au delà du caractère on ne peut plus évident de la nouvelle, il fallait tout de même relativiser avec le contenu de la journée. Cours d'histoire, d'anglais et de maths le matin, c'était tout de même vilain pour le mental, surtout pour lui. Par contre, le fait de le voir à midi me parut étrange, surtout que le menu prévu à midi n'était pas fameux fameux.
Je me dépêchai ensuite de courir jusqu'à mon arrêt de bus, évitant de peu un trajet à pied jusqu'au lycée. Je me hâtai d'y entrer et de m'asseoir au fond. Le fait que la place à côté de moi soit clairement vide alors que le bus amassait de plus en plus de lycéens et de lycéennes de mon âge était une illustration de ma vie sociale. J'avais beau être déléguée et arbitre, je passais le plus clair de mon temps seule au lycée… et cela ne me dérangeait pas forcément. Bref, ce fut mon petit rituel d'avant-classe et j'avançai tranquillement en direction de ma salle de classe. Là, j'allai ensuite retrouver ma place, évidemment au premier rang. Ce fut à ce moment précis que le professeur arriva pour le début du cours. Il posa son cartable sur le bureau et balaya d'un coup la salle de classe, remarquant la dizaine de sièges non-occupés.
Ce professeur, monsieur Kanowski, était un petit homme âgé et rondouillard, avec une calvitie assez poussée. Ses grands-parents étaient des immigrés polonais mais lui était né au Japon. Il avait des petits yeux qui en faisaient trembler plus d'un. Il aurait tout pour être l'archétype du grand-père aux allures de nounours… s'il n'avait pas un affreux caractère. C'était un professeur de la vieille école, très autoritaire, et sans doute pas loin de confondre sa classe avec un ring de catch. Sa voix sentait le café très fort, avec les quatre dosettes de sucre quotidiennes – ses habitudes étaient connues du moindre élève –. Comme pour Shizuka et le fait de lui dire “non”, je m'étais toujours demandée ce qui se passerait si la machine à café de la salle des professeurs tombait en panne. C'était un jour où j'étais malade et donc, je n'ai donc jamais assisté au déferlement de colère du professeur. Et, pour la fin de l'anecdote, Dan était venu en cours ce jour-là. Il m'avait raconté que Kanowski et Warren en étaient littéralement venus aux mains, ce dernier traversant la porte de lui-même en voulant lamentablement asséner une droite au professeur. Mais là, après avoir posé son cartable, il se mit subitement à hurler :
« BON, DOUZE PERSONNES EN MOINS ! LEURS NOMS ? - Euh… y a Dan Lotyuwi qui se sent pas bien et qui n'est pas là, dis-je d'une voix tremblante. »
Ses yeux se tournèrent mécaniquement dans ma direction et un violent frisson parcourut mon corps. Son air autoritaire m'impressionnait toujours mais j'étais une des rares personnes avec lesquelles il se montrait toujours calme. À part quelques excellents élèves dans sa matière, dont moi, il éprouvait un immense respect pour Dan Lotyuwi, bien que ne le voyant très peu. Et oui, en général, il passait son temps à aboyer sur la classe, étant un peu dur d'oreille. Je ne savais pas quel âge il avait, mais il était sûrement proche de la retraite, ce qui n'avait pas l'air de le déranger.
« À PART LUI ? JE SAIS PARFAITEMENT QU'IL N'EST PAS LÀ. MAIS JE VOIS ET JE ME DOUTE BIEN QUE MONSIEUR WARREN FUZENKI ET TOUTE SA CLIQUE NE VONT PAS DAIGNER POINTER LE BOUT DE LEUR NEZ CE MATIN, hurlait-il. »
Comment savait-il que Dan était absent, sans même avoir remarqué sa place vide ? Shizuka avait sans doute dû appeler le bureau des surveillants pour leur notifier de la nouvelle absence de Dan. D'ailleurs, petit jeu "amusant" : chaque surveillant essayait de pronostiquer le nombre d'heures de cours où Dan serait présent chaque semaine. À chaque fois que j'allais dans leur bureau pour x raison, mes yeux se posaient toujours sur le tableau blanc où était écrit : "Surveillants, faites vos jeux : Dan Lotyuwi va assister à combien d'heures cette semaine ?", avec en dessous, les prévisions de chacun. Apparemment, celui qui réussissait ou s'en rapprochait le plus gagnait une tablette de chocolat. Il fallait avouer que le concept était plutôt bien trouvé. Je pensais qu'en faire un autre sur le nombre de fois où Warren serait renvoyé de cours serait une bonne idée, offrant une deuxième tablette de chocolat. En matière d'absences et malgré leur animosité réciproque, le duo Dan-Warren était performant.
Bref, revenons à l'habituel “coup de gueule” du professeur Kanowski. À l'instant où il semblait enfin se calmer, quelqu'un frappa à la porte. Elle s'ouvrit et une dizaine de personnes entrèrent dans la salle, avec à leur tête un blond aux cheveux très courts, semblant mener tout le petit groupe. Inutile de préciser qu'il s'agissait de Warren et de toute sa clique, à l'évidence, pas vraiment inquiets d'être en retard… Et comme les bonnes vieilles habitudes ne se perdaient jamais, Warren allait évidemment chercher des noises au professeur, qui se battait contre lui. Cela faisait toujours perdre entre quinze et une demi-heure de cours. Warren et sa clique finit enfin par rejoindre le fond de la salle, juste après avoir jeté une boulette de papier aux pieds du professeur, boulette étant le billet d'entrée pour rentrer en classe.
Alors, il était simple de poser la question : pourquoi le professeur ne renvoyait-il pas Warren ? Notre école l'interdisait dans ce genre de situation. Ce point de règlement étant, à mes yeux, trop laxiste, Warren et ses petits copains en profitaient à foison, ne présentant que ce petit billet “en guise d'excuse”. Et cela ne l'empêchait nullement de passer le plus clair de son temps à foutre le boxon, se délectant de l'énervement de certains et certaines élèves qu'il emmerdait. J'étais une de ses cibles favorites, malgré mon statut de déléguée. Ce type était dénué de morale, de respect et d'humilité. Un orgueil des plus démesurés, un mépris ouvertement démontré, une insensibilité totale, ce type me dégoûtait irrémédiablement. Une fois, je l'avais même aperçu frapper une fille de cinquième – notre lycée fait aussi collège, expliquant pourquoi il était assez grand –, parce qu'elle lui avait malencontreusement marché sur le pied. Les surveillants semblaient impuissants devant cette vermine, les heures de colle, les expulsions étaient sans effet. Il n'y avait que le Duel qui pouvait instiller en lui une once de terreur, mais c'était bien compliqué. C'était simple à comprendre, je ne pouvais plus blairer ce bouffon de Warren. Mais cela n'empêchait pas la matinée de se dérouler dans un torrent d'ennui.
Ce torrent d'ennui fut affreusement long, et mis à part un coup totalement puéril et abruti de l'un des laquais de Warren, qui trouva joyeux l'idée de m'expédier un embout de cartouche d'encre dans l'arrière du crâne… c'est dire le niveau de maturité totale de ces gars, la matinée fut moyenne. À midi, j'allais faire la queue pour déjeuner. Comme d'habitude, c'était souvent bruyant mais je faisais avec. Subitement, l'ambiance devint celle d'un cimetière. Plus un seul bruit ne résonna dans le hall de l'établissement. La dernière chose qui parvint jusqu'à mes oreilles fut le bruit d'un objet que l'on posait négligemment sur les blocs de casiers. Deux objets métalliques qui s'entrechoquèrent plutôt violemment, cela attirait forcément l'attention de tout le monde.
Tout le monde tourna la tête en direction du hall et distingua une grande silhouette illuminée par le contre-jour derrière les grandes portes en verre. Quelques personnes se mirent à chuchoter non loin de moi, m'incitant à tourner la tête, par pure curiosité. Quelqu'un avançait lentement en direction de la file d'attente, mais d'une manière incroyablement décontractée. Il était évident que cette personne était Dan. Son Borsalino couvrait une partie de sa tête mais laissait tout de même distinguer sa cicatrice à l’œil gauche. Il avait revêtu son grand manteau noir, qui lui tombait jusqu'au niveau des tibias, ainsi qu'une paire de chaussures grises poussiéreuses. Il venait de poser son sac sur sa chaise pliante, qu'il emmenait toujours avec lui lorsqu'il voulait assister à un Duel – ce que je n'avais jamais réussi à comprendre étant donné qu'il y avait des tribunes dans l'Arène du lycée –. Son entrée dans le lycée était celle d'un cow-boy dans un saloon du Far West. Il avait en permanence un air placide, qui faisait à la fois extrêmement sérieux, concentré, mais surtout détendu. À chaque fois que je le voyais comme ça, je me demandais en permanence ce qu'il pouvait bien avoir en tête tellement il me paraissait insaisissable.
Il finit par arriver au niveau de la file d'attente du self et enjamba la barrière avec une incroyable grâce, combinée à des talents de gymnaste surprenants. Il arriva juste à côté de moi, ce qui pouvait se comprendre. En plus d'être sa voisine, j'étais la seule personne de la classe à qui il parlait de façon très amicale, même s'il était très silencieux.
« Bonjour Mina, me dit-il, en se fendant d'un léger sourire. - Euh… bonjour…, dis-je, parfaitement hésitante. - J'ai l'air de t'avoir surprise. Est-ce que ça va ? - Ben… je crois que oui, bégayai-je, un peu plus intimidée. - Shizuka m'a dit que tu étais passée à la maison ce matin. - Oui… pour savoir si… tu allais venir aujourd'hui. Je… t'ai pris tes cours de ce matin. - Sympa, je te remercie, dit-il en esquissant un autre sourire. Ça fait combien de fois que tu le fais depuis le début du mois ? - Je dirais… au moins quinze fois. - Déjà quinze fois ? Le temps passe vite. »
À ce moment-là, une voix familière résonna non loin de l'endroit où Dan et moi nous trouvions. Je me doutais de l'identité de la personne en question, me poussant à soupirer. Mes yeux se déplacèrent jusqu'à percevoir la réaction de Dan et ce dernier continuait de sourire, sans même se retourner.
« Ça va ? Tu ne te fais pas trop chier, Lotyuwi ? dit Warren, en toute ironie. - Tiens, répondit Dan en se retournant d'une façon théâtrale, mais c'est ce cher Warren et tout son boys band ? Comment allez-vous ? Pas trop d'emmerdes avec les profs en cette belle matinée de janvier ? Kanowski ne t'a pas refait traverser la porte ? - C'est ça, fais le mariole, petit bouffon. En tout cas, le spectacle était appréciable, n'est-ce pas, Mina ? - Pourquoi est-ce que tu ne pourrais pas faire autre chose de ta vie, plutôt que d'emmerder le monde ? - Wow ! Mais la déléguée sort ses griffes et est prête à se défendre, on dirait. N'est-ce pas là un spectacle risible ? demandait-il à un de ses compères. - Tellement, répondirent certains derrière lui. - Ce n'est pas une attitude qui est vraiment digne de ta position, Mina, reprit Warren en me fusillant bien du regard. Menacer ses petits camarades n'est pas un meilleur moyen pour être apprécié des autres. Cela te jouera des tours ! - Eh bien, il y a l'air d'avoir de l'ambiance ici, soupira Dan. - L'épouvantail, on ne t'a pas demandé le temps qu'il faisait… c'est à la princesse que je parle. Tu as intérêt à bien m'aider à remporter ce Duel contre ce morveux de Kuzmo tout à l'heure… à moins que tu ne veuilles être ma prochaine cible. - Ça va, ça va, Warren, dis-je, de plus en plus exaspérée. Ton couplet sur le chantage, je le connais, tu n'arrêtes pas de me casser les pieds avec. Et j'estime que tu n'as pas besoin d'aide pour gagner… - Sans doute mais on ne sait jamais. Le risque zéro n'existe pas et j'ai toujours besoin d'une petite assurance au cas où. Donc, un simple petit coup de main et je pense te laisser tranquille au moins un mois. Cela paraît loyal, non ? - Dans tes rêves, dis-je, au moment où Dan et moi entrions dans le self. »
Dix minutes plus tard, une fois assise à table, j'essayai d'avaler le plat bien étrange de la journée, une sorte de viande super sèche avec d'indescriptibles accompagnements – oui, j'étais très difficile –. Honnêtement, je comprenais qu'un service de restauration dans les établissements occidentaux était une bonne idée, mais si c'était pour avoir une nourriture d'aussi mauvaise qualité… En tout cas, cela n'empêchait nullement Dan, assis en face de moi, de vider son plateau tout en lisant un livre à la reliure bien usée. En général, Dan mangeait seul quand il venait ici, mais je n'allais pas me plaindre de sa présence, en tant que véritable bouclier anti-Warren. Une fois qu'il eut terminé, il s'appuya sur le dossier de sa chaise, et, tout en s'étirant, eut envie de parler un peu :
« J'aime bien quand tu te montres autoritaire en face de Warren. - De quoi ? - La façon dont tu l'envoies balader, je trouve ça amusant. Même s'il semble s'en foutre totalement, ça reste un beau spectacle. - Tu as fait bien mieux l'autre fois, assurai-je. - Certes mais il a toujours l'air surpris quand c'est quelqu'un d'autre. - Euh… merci du compliment, en tout cas, si c'en est un. - En tout cas, je suppose que tu ne risques pas de l'avantager. - Ça paraît logique, t'as de ces questions, toi. Arbitrer ses Duels se rapproche de la purge. - Quitte à risquer le rôle de martyr de Warren ? - C'est les risques du métier…, plaisantai-je. Mais pourquoi tu me demandes si je compte l'aider à gagner ? - Ben… tiens. »
Il ne put terminer sa phrase étant donné qu'à ce moment précis, Warren arriva à notre table, y posant ses mains, avant de me réitérer une énième fois la même question. En toute logique et avec une fermeté que je me devais d'avoir pour éviter de rentrer dans son jeu, je lui redonnai la même réponse négative, et advienne que pourra. Cela eut l'air de l'agacer, et il quitta le self pour rejoindre l'Arène, tout en m'adressant ces quelques mots emplis de rage : “Apprête-toi à passer un très long après-midi, ma chère Mina !”. Dix minutes plus tard et, toujours en compagnie de Dan, qui était allé rechercher sa chaise pliante pour profiter du spectacle, nous nous trouvâmes dans l'Arène de Duel du lycée, où les deux adversaires du jour se faisaient face.
J'entendais des élèves qui murmuraient à propos du déséquilibre du combat : “Le pauvre, il va se faire bouffer tout cru.” ou encore “La boucherie…”, etc. D'autres paraissaient plus optimistes et encourageaient la victime du jour. Certains ne manquaient pas du tout l'occasion de faire des paris. Et, comme à chaque Duel de Warren, les cyniques du club de musique interprétaient la Marche funèbre, faisant beaucoup amuser Warren. Il s'entendait plutôt bien avec ces derniers, qui l'invitaient souvent à assister et à participer aux cours – bien qu'il n'ait jamais pris cette option –. Au moins, c'était une des rares occasions où le lycée était calme. Sinon, je jetai un coup d’œil à l'adversaire du jour, Kuzmo, et je vis qu'il commençait à paniquer. Ce n'était qu'un nouveau et Warren n'avait encore jamais perdu de Duel au lycée, en amical ou lors des tournois trimestriels.
« Pas de contact physique entre les deux duellistes, pas de provocation injurieuse. Est-ce que c'est clair ? - Oui, disait timidement Kuzmo, avec sa voix qui traduisait un énorme malaise. Warren ? - Mouais, disait-il entre ses dents. - Vous pouvez à présent mélanger et couper le Deck de votre adversaire, dis-je. - Pfff… est-ce que tu seras capable de tenir trois tours ? menaçait Warren en mélangeant les cartes de son adversaire, qui n'osa pas lui répondre. - Bon, alors, est-ce que vous êtes prêts ? dis-je, une fois les Decks chargés dans les Disques de Duel. - Oui, dirent les deux duellistes, Duel ! »
Kuzmo : 4000 Warren : 4000
« Alors, mon cher Kuzmo, t'es prêt à prendre une claque. N'oublie pas que si je gagne, tu vas devoir me servir de punching-ball pendant un mois. »
C'était un enjeu que Warren sortait de plus en plus. Je ne comprenais pas tellement l'objectif d'assimiler ses victimes à des esclaves, si ce n'était que pour son simple plaisir. J'avais l'habitude de penser qu'à un moment où à un autre, tous ceux qu'il eut vaincu, et potentiellement humilié publiquement, se seraient mis à ourdir un complot dans le but de renverser la tyrannie fallacieuse de ce roi de pacotille. Ce concept de domination sur l'adversaire était apparu en début d'année et, jusqu'à ce Duel avec Kuzmo, près d'une quarantaine de personnes furent couvertes de honte, à devoir bafouer leur honneur en devant “servir” Warren pendant une, deux, trois semaines, voire plusieurs mois. Le panel de sanctions dépendait de sa propre estimation de la gravité de l'affront qui lui a été fait. Les dernières personnes étaient deux filles et un gars, qui avait tenté de les défendre – une histoire bien compliquée dont les détails m'échappaient –, en avaient pris pour une année entière, à devoir jouer les larbins de service. Bref, un concept de punition d'un autre âge…
Et comme si l'humiliation publique ne suffisait pas, Warren se permettait parfois d'inspecter le Deck de ses victimes et d'y sélectionner quelques cartes qu'il pourrait trouver intéressantes. Une nouvelle corde de honte à rajouter à l'arc de la misérable personne qu'était l'ignoble Warren Fuzenki. Il disait toujours “emprunter” quelques cartes, pour ne pas dire “voler”, et s'amusait à jeter le Deck adverse à la poubelle, sans le moindre scrupule ou remords, sous les yeux larmoyants des jeunes Duellistes vaincus. Une fois où ce genre d'événement se produisit, après avoir ridiculisé un gars qui avait osé lui cracher au visage, Warren s'était emparé du Deck de sa victime, et s'était rendu sur le toit de l'école avant d'éparpiller toutes les cartes les unes après les autres, un jour où il y avait de fortes rafales de vent. Et inutile de dire que Warren ne s'était pas privé de lui offrir quelques ecchymoses. Même si Dan était présent ce jour-là, il n'avait pu empêcher une correction des plus terrifiantes. Dan avait réussi à récupérer toutes les cartes et les avait rendues à son propriétaire, avant que ce dernier n'aille porter plainte. Si je me souvins bien, la plainte avait été classée sans suite et le gars en question avait dû quitter l'établissement.
Je regardais Kuzmo, qui tremblait comme une feuille morte secouée par des courants d'air en automne, pendant que quelques rires descendirent des tribunes, et pensa : “Pauvre petit, j'aimerais faire quelque chose pour t'aider mais quand même… un mois avec Warren pour un regard de travers…”
« Euh… …, disait Kuzmo, qui donnait l'impression de se faire dessus. - Allez, je te laisse commencer. Histoire de montrer que je sais être beau joueur parfois. »
En Duel, Warren ressemblait beaucoup à Bowser, c'est-à-dire vraiment cruel et faisant semblant de se montrer sympa, ce qui était totalement sarcastique.
« Je… commence par jouer un monstre… face caché et… deux cartes… face cachées. Voilà, à… à toi. - Mouais, tu peux pas faire mieux que ça ? rétorqua Warren. C'est vraiment pitoyable de ta part mon cher. Bon, je commence par activer la carte Fissure Dimensionnelle donc tous les monstres envoyés au Cimetière seront bannis. Ensuite j'active Destruction de Carte donc toutes nos cartes en main sont envoyées au Cimetière. Ensuite, nous allons piocher autant de cartes que nous en aurons défaussé. Tu me suis ? - Euh… d'... d'accord. »
Kuzmo défaussa le reste de sa main et piocha deux cartes. Warren retira du jeu les quatre cartes de sa main avant d'en tirer le même nombre, ce qui sembla surprendre Kuzmo. Visiblement, ce n'était pas le seul à l'être. Certains s'interrogeaient sur le pourquoi de la démarche. Retirer quatre cartes de sa main dès le premier tour ne constituait sans doute pas un joli coup, surtout quand c'était à cause d'une de ses cartes. Warren se mit à sourire de façon narquoise, instaurant encore plus de doute chez son adversaire, qui recula d'un pas, avant de reprendre son tour :
« Eh ouais, mon gars ! Les quatre cartes de ma main étaient des monstres et vous allez voir pourquoi j'ai agi de la sorte. J'active deux Typhon d'Espace Mystique pour me débarrasser de tes minables cartes Posées. - Ça ne sent vraiment pas bon du tout pour Kuzmo, me dis-je. J'active ensuite la redoutable Fusion Dimensionnelle ! En payant la moitié de mes Points de vie, j'ai la possibilité d'invoquer tous les monstres qui ont été bannis !! J'appelle donc mes quatre dragons : Dragon Blizzard, Dragon du Flamboiement des Ténèbres, Vouivre Éclipse et Dragon Lance !!! - Pauvre petit… - Mais ne crois pas que j'en ai terminé ! Je vais ensuite me débarrasser de ta dernière ligne pitoyable de défense avec mon Raigeki !! »
Kuzmo : 4000 Warren : 2000
Tout à coup, le terrain de Kuzmo se vida. Sa Force de Miroir, son Cylindre Magique s'évaporèrent dans un tourbillon de poussière, avant que les quatre effrayantes créatures de Warren ne firent leur apparition depuis un vortex. Enfin, le Koala Des de Kuzmo vola en éclats. Seul et sans défense, il fut la cible et victime expiatoire des quatre dragons de Warren, qui reçurent l'ordre d'attaquer directement. On entendit un cri, une explosion et un bruit sourd, avant de voir Kuzmo à terre, en état de choc. Warren se fendit d'un rire atroce avant de lever les bras en l'air. One Turn Kill de sa part ! Ça me faisait mal de l'avouer mais c'était vraiment un Duel magistral.
Kuzmo : 0 Warren : 2000
« Victoire de Warren pour la 199è fois, dis-je en me forçant, la mâchoire un peu serrée - À QUI LE TOUR ? lança Warren, visiblement fier d'avoir ridiculisé et laminé une nouvelle fois un petit nouveau sans défense. »
Il venait de remporter son 199è Duel. Encore un et il deviendrait le premier à dépasser la barre des deux cents. Ses laquais le félicitèrent avant de le porter en triomphe, comme à leur habitude. Mais il faut relativiser ce succès : Kuzmo n'avait pas existé dans ce Duel. Le pauvre garçon, toujours bien dans les pommes après le Duel, était contraint de rejoindre la longue liste des larbins victimes de Warren. Pourtant, il était complètement sonné, gisant sur le sol. Quelques élèves essayèrent d'obtenir une réponse mais la quadruple attaque directe reçue était trop dévastatrice pour lui. En tant qu'arbitre, j'étais chargée de m'assurer de sa santé. Or, il était incapable de se lever. C'était à peine si ses yeux s'ouvraient.
« Alors maintenant tu sauras ce que ça fait quand on me regarde de travers, Kuzmo, railla Warren. Vaincu en un seul tour ! Lamentable ! Très lamentable !! PATHÉTIQUE !!! Y a vraiment intérêt à ce que tu sois à la hauteur comme punching-ball, ou je n'hésiterai pas à te prendre tes cartes et à les vendre à l'unité. Qui sait ? Peut-être que je pourrai en toucher un petit prix, tu ne crois pas ? ajoutait-il de manière très cruelle à l'adresse de son adversaire inconscient. - ÇA SUFFIT WARREN !!!! explosai-je, incroyablement furieuse. TU VOIS BIEN QU'IL EST INCONSCIENT !! LAISSE-LE ! - Ferme ta gueule, Mina !! rétorqua-t-il. Tu n'as rien à voir là-dedans donc va voir ailleurs… ou pas. Je te l'avais dit. Ton après-midi va être un cauchemar étant donné que tu ne m'as pas avantagé… même si au bout du compte, ce minable était tellement nul que cela se serait révélé inutile. Même un vieux singe aveugle aurait pu le battre ! Je n'ai même pas eu à forcer mon irrésistible talent ! - Tu ne fais qu'affronter des gens moins forts que toi !! Tu n'as pas honte ??? - Absolument pas. Mais honnêtement, personne n'est meilleur que moi dans ce bahut de perdants ! Contente-toi juste de ton rôle d'arbitre plutôt que de jouer les héroïnes, sombre pétasse ! »
Et là-dessus, il me colla une sévère gifle, bien douloureuse. Perdant subitement l'équilibre, je tombai sur mon séant, une larme faisant son apparition sur le coin de ma joue. Qu'est-ce que je venais de faire ? Pourquoi est-ce que je voulais sonner la révolte face à cet immonde saloperie de Warren ? Est-ce que je cherchais à devenir une martyr, comme le pensait Dan ? Qu'est-ce qui me prenait de courir des risques aussi grands et futiles ? En tout cas, ce n'était pas le regard plein de haine et de mépris de Warren qui allait réchauffer l'ambiance. Cette scène où la déléguée de la classe de première et arbitre désignée du lycée était à terre, face au roi de la terreur du lycée, le tout dans une Arène avec une centaine de personnes comme témoins, c'était consternant, gênant, humiliant.
« Oh regardez là ! Elle va se mettre à pleurer. C'est vraiment trop triste et trop injuste, le méchant Warren m'a frappée, disait-il avec un air vraiment moqueur et en imitant grossièrement quelqu'un en train de parler en pleurant – moi en l'occurrence. »
Les autres se mirent à ricaner grossièrement lorsqu'un bruit indistinct se fit entendre. Warren se rendit compte que quelqu'un l'interpellait. Se retournant de tous les côtés, il finit par apercevoir Dan, toujours avec son chapeau sur la tête, bien calé dans sa chaise pliante, toujours au même endroit lorsqu'il assistait à un Duel. Actuellement, il était plongé dans un livre. Est-ce que c'était une manière d'être totalement fumiste ou excentrique ? Peut-être les deux. Warren alla le voir, avant de lui dire :
« Le Duel t'a plu ? »
Dan ne répondit pas du tout.
« Hé ho ! Tu réagis ? disait-il en lui secouant le bras, tout en commençant à perdre son sang-froid. »
Dan se complaisait toujours dans le silence, juste pour continuer d'énerver Warren.
« Envie d'être le deux centième sur ma liste de victimes ? demanda-t-il en faisant lâchement tomber le livre de Dan. »
Quelques personnes, et plus particulièrement les copains de Warren laissèrent échapper un petit rire moqueur à destination de Dan. Le fait que ce dernier n'oppose pas de résistance eut pour effet d'agacer sérieusement Warren, qui ne se gêna pas pour le soulever de sa chaise et de lui expédier sa droite en plein dans le nez. Il n'eut cependant pas le loisir de se vanter d'avoir porté la main sur son rival, puisque ce dernier réagit presque instinctivement en flanquant Warren à terre, grâce à un simple Ippon-Seoi-Nage. Dan sortit un mouchoir en tissu de sa poche pour éponger les quelques gouttes de sang qui perlaient de son nez. Et, tenant toujours le bras de Warren dans une posture où il pouvait encore tenter une clé articulaire, il lui adressa silencieusement :
« Pourquoi pas ? Le challenge a l'air intéressant. Tu as osé me lever de ma chaise avant que je ne finisse mon livre et j'ai vu mon propre sang couler. Cela mérite forcément une petite réflexion sur ta proposition. Et… … pourquoi pas ? Si je l'emporte, tu arrêteras d'emmerder Mina et le reste de l'école. Si tu l'emportes, tu pourras très certainement continuer… mais vu ce que je te réserve, tu ferais mieux de préparer un soutien psychologique car tu vas tomber de ton trône et la chute sera… ô combien terrible, mon pauvre petit bonhomme… Demain midi, ça te va ? »
La voix de Dan était si étrange par rapport à d'habitude. Là, il s'exprimait avec une tonalité très théâtrale, accentuant bien certains mots. C'était quelqu'un d'extrêmement éloquent, pouvant très souvent paraître terrifiant lorsqu'il s'exprimait très franchement. Warren en avait fait les frais à plusieurs reprises. Warren avait les yeux ouverts lorsque Dan s'adressait à lui et tout ce que je sentais émaner de chez lui, ce n'était pas du tout de l'assurance. C'était comme si les paroles de Dan étaient chargées d'une certaine peur à destination de son adversaire. Visiblement, le résident du 26, Kamen Street avait hâte que ce Duel ait lieu, afin de libérer quelque chose d'extrêmement puissant pour pulvériser son adversaire.
Sur ces mots, Dan relâcha Warren avant de quitter le Terrain, sans même attendre la réponse de son adversaire. Il remit son chapeau, prit sa chaise et son sac, avant de se rendre vers les salles de classe, sous les yeux ébahis de tous les élèves encore présents dans l'Arène. Je remarquai que son livre était encore resté par terre. Pendant ce temps, Kuzmo fut envoyé à l'infirmerie, en espérant qu'il irait mieux et qu'il récupérerait, ce qui semblait déjà être le cas.
Warren était purement furieux, mais se contenta simplement de fixer Dan du regard. Il avait été provoqué en Duel et s'était vu à terre. Impossible pour lui de laisser ça impuni. Il se devait très certainement d'accepter ce Duel pour prouver à tout le monde qu'il était bien le meilleur, et que ce n'était pas Dan qui pouvait le contredire. L'occasion de l'humilier était trop grande. Quant à Dan, personne ne l'avait encore vu disputer un Duel dans l'enceinte du lycée et c'était l'inconnue de cette rivalité. Pour ma part, j'attendais ce Duel avant une grande impatience, dans l'espoir de voir Dan triompher de cet affreux et dangereux personnage.
Cela dit, après ce Duel, la sonnerie retentit, annonçant le début du cours de physique. Je me hâtai de rejoindre ma salle, dans l'espoir de ne pas arriver en retard… en vain. Journée de merde… Oui, c'en était une belle…de journée de merde.
|
| | | honest
Messages : 2044 Points : 2067 Réputation : 3 Date d'inscription : 03/01/2015 Age : 25 Localisation : Stairway to heaven
| Sujet: Re: Le Démon d'un Autre Monde - version réécrite Lun 4 Nov - 14:06 | |
| Chapitre 2 - Une trouvaille...- Spoiler:
Après ce Duel, la journée allait être un peu plus rapide, mais compliquée. Je me dépêchai de sortir de l'infirmerie, où je m'étais assurée que Kuzmo était hors de danger, tout en tenant le livre que Dan lisait avant de se faire défier en Duel par Warren. À vrai dire, je trouvais cela étrange, que Dan soit en train de lire pendant un Duel, et c'était bien la première fois que je le voyais agir de la sorte, que ce soit le fait de lire ou bien qu'il accepte un Duel, surtout contre Warren. Par ailleurs, même s'il tentait de rester calme, je ne l'avais jamais autant vu en pétard. Le voir mis à terre aussi rapidement et facilement, le tout sous les yeux d'une cinquantaine de personnes complètement stupéfaites et choquées, on ne voyait pas cela tous les jours au lycée. Honnêtement, c'était le genre de choses qui pouvait rendre la pire des journées en une journée plus radieuse, et je n'étais sans doute pas la seule personne pensant la même chose. Bref, regardant le livre de Dan, j'eus la curiosité de regarder le titre de ce qu'il lisait et c'était dans une langue que je n'arrivai pas du tout à comprendre. Était-ce de l'arabe, de l'allemand ou bien du finnois ? Aucune idée. Est-ce qu'il arrivait à lire ça sans problème ? Si oui, comment il pouvait bien s'en sortir ? La deuxième sonnerie retentit, me tirant de mes pensées. Je me hâtai de ranger le livre de Dan dans mon sac et courrai aussi vite que possible pour rejoindre ma salle de classe… Une fois arrivée devant la porte, je remarquai que tout le monde était rentré… Tu parles d'un modèle ! “ La vache ! me dis-je. Kanaga va être exécrable aujourd'hui… j'aurais vraiment dû arriver à l'heure…”. C'était un professeur assez jeune, pas plus de trente-cinq ans et tout le monde savait qu'il détestait travailler le mercredi. La raison tenait du fait qu'il n'habitait pas à Akinokuwa, mais dans une autre ville, à cent cinquante kilomètres. Évidemment, il était obligé de venir en train, ce qui l'énervait passablement. Dans l'ensemble, c'était un prof assez cynique, autant dans son humour que dans son caractère, l'un des rares à apprécier les tendances rebelles de Warren et à obliger Dan à venir en cours… C'était dire s'il tapait dans l'exception. Donc, je frappai trois fois à la porte, même si je n'avais pas du tout envie d'entendre la réaction du prof, toujours impitoyable avec les retardataires. En tant que déléguée, être en retard n'était pas forcément dans le contrat, et j'allai devoir assumer la responsabilité de cet acte. La voix suave du prof m'ordonna d'entrer. Je vis les regards de mes camarades se poser sur moi et le malaise était évident. Le prof me fusilla lentement du regard et me dit tranquillement et sans aucune retenue : « Dix minutes de retard, mademoiselle Mizunori… vous ne croyez pas que vous exagérez un peu ? - Excusez-moi, monsieur Kanaga. - Je me passerai allègrement de vos excuses. Un mot d'entrée illico, me dit-il en pointant la direction du bureau des surveillants. - Oui, monsieur. - Et vous irez ensuite vous asseoir sur la table près de la fenêtre pour un devoir sur table, sur l'atome. - D'accord, monsieur. » Et voilà, il fallait que ça tombe sur moi. Comment noircir davantage le tableau ? En ayant un devoir supplémentaire en guise de punition. La petite cerise sur le gâteau, c'est que la physique était la matière que je détestais le plus. Du coup, en attendant une nouvelle claque en physique, je quittai la salle pour aller chercher un mot d'entrée. D'habitude, on entendrait les autres élèves se payer ma tête mais ils étaient silencieux. Je n'y prêtai toutefois aucune attention et me rendit dans le couloir, en direction du bureau d'entrée. Et là… « Tiens, tiens… on est en retard ? entendis-je. - Qu'est-ce que tu fais ici ? Pourquoi tu sèches ? » Inutile de préciser que la personne en question était Warren. Il était adossé contre un pilier, en train de jouer sur son portable. Sa bande de copains se trouvait en cours. En voyant son petit air narquois de loubard, je ne pouvais oublier ses menaces proférées juste après le Duel. D'habitude, je prenais soin de ne jamais le recroiser, mais là, faire machine arrière était purement impossible. Et pourtant, je voulais tenter cette option. Comme j'étais à moins d'un mètre de lui, il me rattrapa presque aussitôt et me regarda droit dans les yeux, me faisant comprendre que l'après-midi allait être assez longue. « Pour être honnête, Kanaga est sympa mais simplet. N'importe quelle excuse bidon marche à chaque fois avec lui. - Et aujourd'hui, c'était quoi ? - Oh… une simple radio du bras. Il n'y a qu'un abruti pour se laisser berner de la sorte. - Et qu'est-ce que tu… me veux ? balbutiai-je, en sentant le stress et la panique monter en moi. - Tu ne devines pas ? Pourtant, je suis sûr que tu t'en souviens. - N… non, mentis-je. - Ce n'est pas très joli de mentir, Mina. Tu sais que j'allais faire de ton après-midi un cauchemar. Et je vais tenir ma parole. Et comme je t'apprécie beaucoup, j'avais envie de t'attendre. - Mais… mais qu'est-ce que… tu me veux ? - Faire un Duel en ta compagnie. Ici et maintenant, disait-il avec un rictus maladif. - Mais…, balbutiai-je, je n'ai… je n'ai pas de… de… Deck. - Ah mais oui, c'est vrai !! s'exclamait-il. Tu ne joues pas. Qu'est-ce que je peux être tête en l'air parfois. - Le parfois est de trop, pensai-je, en commençant à paniquer. - Tu sais. Je vais être direct avec toi. Les vacances arrivent dans quelques semaines et d'ici là, j'exige que tu me serves à ton tour de valet. Cela inclut de m'aider à gagner mon Duel contre Dan demain, celui-là ainsi que tous les autres qui arriveront durant ce laps de temps. - Et si je refuse ? questionnai-je, tout en me doutant de la réponse. - Sincèrement, je n'ai pas envie de me salir les mains et de te refaire le portrait, donc je me contenterai d'exiger ta carte bancaire ainsi que le joli petit code qui va avec, ou bien c'est ni plus ni moins ta vie privée qui sera balancée aux yeux et oreilles de tout le lycée. - DE QUOI ??? explosai-je, interdite et rougissante. - Ah ! Je sens que l'on touche une corde sensible. Comment est-ce que je compte me débrouiller ? Eh bien… avec ceci, dit-il en sortant un carnet que je reconnus comme étant mon journal intime. - Tu n'oserais pas… - Oh, tu paries ? Alors… une journée au hasard… “Aujourd'hui, j'ai encore été emmerdée par cet…” - Non, s'il te plaît… - “… enfoiré de Warren…” ? Content de voir que tu as une si haute estime de moi… Je pense que ça mériterait une petite diffusion dans le journal du lycée, tu ne crois. - NON, S'IL TE PLAÎT !!! dis-je en perdant mon sang froid. » Je sentais les larmes monter en moi. Warren s'était emparé de mon journal et il s'adonnait à du chantage. Il avait très certainement envoyé un de ses laquais le prendre dans mon sac pendant le Duel. Je n'avais pas le moindre moyen de pression et Dan n'était pas présent pour me tirer d'affaire comme il l'avait fait à plusieurs reprises. Je fis un pas en arrière et me retrouva contre le mur. Je cherchai vainement à négocier. « Je t'en supplie, Warren, dis-je, avec une larme qui commençait à apparaître. Ne fais pas ça !! - Et tu crois que c'est avec tes larmes que tu vas arranger les choses ? Réfléchis un peu, Mina. Je ne te demande juste qu'un simple petit mois à mon service, et je te rendrai ton pathétique petit journal après cela. - Je refuse… - Je ne crois pas que tu sois en mesure de refuser quoi que ce soit !! » Il me prit par le bras, de façon assez violente. Son étreinte me fit me sentir mal. Il me tira jusque dans une salle vide et ferma la porte, avant de s'adosser contre celle-ci. Les pires scenarii me vinrent à l'esprit. Moi, Warren, une salle fermée à clé, insonorisée qui plus est, un sourire vicieux gravé sur son visage marqué par la haine, le mépris et le vice, j'eus peur de ce qu'il allait dire : « Tu sais Mina… j'ai dit que je ne voulais pas chercher à me salir les mains aujourd'hui… Et il se peut que ton refus catégorique ne m'incite à changer d'avis, dit-il en retroussant ses manches. - Qu'est-ce que tu me veux ? dis-je en reculant jusqu'à la fenêtre. - Personne ne peut rien contre moi dans cet établissement, surveillants comme administration. Même si tu es la victime, je m'en tirai indemne… - Tu ne comptes quand même pas… …, dis-je en croisant les bras. - Roh… ne me dis pas que tu pensais à un viol, quand même ! Tu serais clairement la dernière personne avec qui je le ferais ! Avec toi, en plus, plutôt vomir… Non, je préfère mille fois me défouler à coups de poings et de pieds sur toi jusqu'à ce que le sang se mette à dégouliner de ton joli petit minois. Ce serait un plaisir totalement jouissif… - Je t'en supplie ! Ne fais pas ça !!! Tu n'as aucune morale ! - Non, pas la moindre petite once ! Je n'éprouverai pas le moindre regret à l'idée de te défigurer. Alors… qu'est-ce qu'on fait ? Tu acceptes ma proposition sans broncher ou sous la douleur ? » En toute franchise, je n'avais pas envie de répondre. Entre le fait de lui tenir tête pour devenir une martyr et l'humiliation totale au lycée, le choix était incontestablement sans équivoque. Je me contentai juste de baisser la tête en signe de honte et me résignai alors à accepter d'être le valet de cet infâme connard. Le craquage nerveux commençait à être violent et je sentis les larmes cisailler mes joues. La journée était bien plus pourrie que je ne le pensais. « D… D… D'accord, j'accepte d'être ton valet, dis-je en versant une larme. Mais rends-moi mon journal. Je t'en supplie… - Hmm, je sais pas trop… on verra. Tant que tu te tiendras à carreau et que tu m'obéiras au doigt et à l’œil, ta vie privée ne restera qu'entre nous deux. - Alors qu'est-ce que je dois faire ? dis-je, en me relevant. - Tu es en retard, alors va en cours, prends-les pour moi et tu iras m'acheter de quoi manger pour ce soir. D'accord ? - Oui monsieur. - C'est bien, tu as tout compris. Tu vois que tu peux être sympa quand tu veux. » Oui, il fallait avouer que ça faisait soumise mais je n'y pouvais strictement rien. Je n'avais pas les moyens de lutter contre Warren. J'avais tellement honte de moi mais je n'osais même pas imaginer ce qui se serait passé si c'était en public. Warren trouvait toujours les tactiques les plus sales pour se montrer persuasif sur des esprits qu'il jugeait plus faibles, comme le mien par exemple. Il ouvrit alors la porte et m'incita à sortir pour m'exécuter. J'avançai péniblement, et je constatai qu'il tenait fermement mon journal dans sa main. Il n'y avait rien que je puisse faire. Je fis semblant d'aller dans la direction du bureau des surveillants, et, à un moment où je me rendis compte que Warren n'était plus dans mon champ de vision, je décidai de prendre mes jambes à mon cou et de quitter le lycée aussi vite que je le pouvais. Le cours de Kanaga ? Avec ce qui se venait de se passer, je me fichais éperdument de son cours de merde, de me coltiner un zéro ou bien d'avoir un blâme. Avec cet énorme souci qui se présentait devant moi, tout ce que je pouvais faire, c'était courir en pleurant toutes les larmes de mon corps. Je me hâtai de parcourir le chemin me séparant du seul endroit où je me sentais en sécurité : ma maison. Je bousculai des individus sans prendre garde et sans même m'excuser tellement j'avançais tête baissée, en proie à des sanglots totalement incontrôlables. Jamais cet enfoiré de Warren ne m'avait autant humiliée. Une fois arrivée chez moi, je montai jusque dans ma chambre et claquai la porte avant de me blottir dans un coin de pièce et de déverser tout mon chagrin contre mon ours en peluche. J'étais sur le point de faire partie des risées du lycée. Moi, la déléguée, devoir faire partie du club des larbins de Warren, cela me donnait la nausée à un point que je crus vomir. Si j'étais dépressive, je pensais que je me serais salement auto-mutilée, ou bien j'aurais envisagé le suicide… J'ai dû pleurer pendant des heures, prostrée comme une folle dans un asile psychiatrique, toujours en serrant mon ours en peluche. Et, aux alentours de sept heures, j'entendis quelqu'un entrer dans la maison. De qui pouvait-il bien s'agir ? Mes parents ? Bien qu'ils travaillaient, ils ne rentraient quasiment jamais à la maison. De plus, il n'y avait qu'une seule personne qui marchait lentement à l'intérieur. Petit à petit, cette personne se rapprochait de ma chambre, probablement attirée par mes sanglots enfantins. Elle toqua à ma porte, mais à part continuer à pleurer, je ne fis pas grand chose d'autre. Si c'était un cambrioleur ou un criminel, il pouvait faire ce qu'il voulait. De toute manière, je m'en fichais complètement. Et s'il voulait prendre ma vie, qu'il le fasse… plutôt mourir que de servir Warren ! La porte s'ouvrit et la personne en question entra dans ma chambre. Par simple curiosité, j'essayai de distinguer son visage. Je m'attendais à voir quelqu'un cagoulé et armé, prêt à me sauter dessus. Mais… au lieu de cela, je vis que Dan Lotyuwi se trouvait face à moi, accroupi et tenant un mouchoir dans la main. Il l'utilisa pour sécher les larmes qui coulaient sur mes joues. Mes yeux le discernaient progressivement et j'aperçus un sourire qui embellissait son visage balafré. « Tu dois sans doute penser que je suis complètement pitoyable dans cet état là, dis-je en ayant la tête dans mes genoux, détournant le regard. - Pourquoi est-ce que je penserais ça ? questionnait-il en s'asseyant à côté de moi. - Parce que tu me vois en train de pleurer toutes les larmes de mon corps avec mon ours en peluche. Je suis totalement ridicule alors moque-toi de moi si ça te chante. - Et alors ? Est-ce que parce que tu es là, dans un état que tu juges lamentable, que je dois nécessairement rire de ton malheur comme un sale type ? - Je… ne sais pas quoi dire… - Que s'est-il vraiment passé ? Kanaga a eu l'air inquiet de ne pas te revoir. Il a même cru que tu t'étais effondrée dans le bureau des surveillants quand il t'ont vue chercher un mot. - C'est vrai ? - Il t'a pas mal charriée pendant que tu n'étais pas là, mais rien de bien méchant. Sauf qu'il t'a quand même collée un zéro pour absence et que tu devras repasser ce devoir la semaine prochaine pour éviter pire. - Je me fiche de ce devoir… ma vie est fichue… - Tu as croisé Warren en sortant de la salle, c'est ça ? - Oui…, dis-je en tentant de ravaler une larme. Comment… - Il est très loquace en cours de sport. - Tu… tu es allé en sport ? - C'est la seule matière où je suis en mesure de battre Warren à ses propres petites compétitions débiles. Et là, en saut en longueur, ce fut le cas. Tu aurais vu comment il était vert quand j'ai ruiné son petit saut ! - Et qu'est-ce que tu fais là ? - Hé bien, plusieurs choses. Je voulais te donner le cours que tu as raté, reprendre ceux de ce matin… - C'est sympa… - Je me sens un peu redevable pour tout ce que tu fais pour moi. - Et la dernière raison ? - J'avais envie de m'assurer que tu ailles bien et que tu ne sois pas exactement comme Warren t'a imaginée après ce qui s'est passé entre vous. - Je refuse… d'entendre ces mots venant de toi. - Rassure-toi, j'ai trouvé cela si ignoble que je ne les prononcerai jamais en ta présence. - Arrête, dis-je en soupirant, toujours atterrée. Tu fais tellement mélodrame que tu deviens niais. - Je conçois que c'est moche en effet mais tu ne m'en voudras pas d'essayer de te remonter le moral. - En effet, dis-je en relevant la tête. - Si jamais tu avais dans l'idée de ne pas passer ta soirée à continuer à jouer les fontaines de larmes, je t'invite à dîner chez moi ce soir. - Pardon ? » C'était bien la première fois que Dan m'invitait chez lui. Et il avait toujours le chic pour parler avec une certaine fluidité, peu importe la situation, que cela devenait vraiment dérangeant. Il tournait toujours ses phrases de telle sorte à ce qu'elle viennent persuader son destinataire. Il jouait les charmeurs de serpent avec tout le monde. Sa voix fut la première chose que j'eus entendu depuis ma fuite de l'école cet après-midi et il fallait dire qu'elle trouvait petit à petit les moyens de me remonter le moral. Sur le coup, je ne l'eus pas remarqué mais Dan était tout souriant, à côté de moi. « Je… Je n'ai pas envie de déranger. - Mais tu ne déranges personne. Ça fera vraiment plaisir à Shizuka d'avoir quelqu'un d'autre à la maison. - Je… Je ne sais pas… - Allez ! insistait-il. Ne reste pas seule. Je crois que tu es la première personne que j'invite chez moi. Histoire de marquer le coup, autant que ce soit avec une amie. - Bon… d'accord, dis-je pour finir. Mais juste pour manger. - Formidable ! » Il se releva et m'aida à faire de même. Cela faisait plus d'un an que je le connaissais mais je n'avais encore jamais mis les pieds chez lui. J'étais plutôt contente de ne pas passer la soirée entourée par la solitude. Mes parents ne reviendraient évidemment pas pour la soirée donc j'étais libre d'aller où je le désirais. C'était en face de chez moi, certes, mais j'appréciais énormément la compagnie de Dan. Une fois sortis de ma maison, je pensai à bien la verrouiller avant de pénétrer pour la première fois à l'intérieur du 26, Kamen Street. C'était la plus grande maison du quartier, ça, il n'y avait pas de doute. De l'extérieur, on dirait le genre d'immense maison occidentale que l'on peut retrouver dans les ranchs, pour accueillir une famille très nombreuse. La façade couleur blanc cassé donnait l'impression de dater du XIXè siècle – ce qui était tout à fait saugrenu car Akinokuwa n'a réellement connu d'essor qu'à partir de 1946, et qu'avant, il n'y avait pas grand chose –. J'avais dans l'idée de tomber sur une maison très rétro, mariant les styles occidentaux et japonais, mais je me trompai totalement : un véritable palace à l'américaine – car Dan a la nationalité américaine, comme sa famille –, totalement moderne, de plein pied dans le XXIè siècle. Dan prit la peine de me faire une petite visite guidée de la maison. J'étais absolument subjuguée devant une telle merveille architecturale. Il me raconta que c'était son arrière-grand-père qui avait fait construire cette maison, au lendemain de la guerre. J'entrai tour à tour dans la grande bibliothèque de ses parents, une salle de cinéma, qui faisait également office d'autre salle télévision – Dan était un grand cinéphile –, et enfin, une salle d'entraînement, à la fois pour des Duels mais aussi pour des arts martiaux. Pour le moment, l'entrée était obstruée par une pile de cartons. Les deux étages au-dessus étaient principalement composées de chambres et de deux salles de bains. À la fin de cette petite visite improvisée, et alors que nous allions nous asseoir autour de la table pour le dîner, je remarquai une porte plutôt vieille, faisant contraste avec le reste, qui était plus moderne. « Qu'est-ce qu'il y a derrière cette vieille porte ? - Oh, c'est la cave. C'est généralement là où je m'entraîne au kickboxing. D'ailleurs, je vais ajourner ma petite séance ce soir comme tu es là. - Pourquoi tu fais ça là et pas dans la salle d'entraînement ? - Les conditions sont plus rudimentaires et donc plus appréciables. Et suspendre un sac de frappe est plus simple là-dedans. - Tu sais, ça ne me dérange pas d'assister à ton entraînement… Au contraire ! Et Shizuka nous a dit que le repas sera prêt dans trois quarts d'heure. Donc, tu as tout ton temps pour jouer avec ton sac de frappe. - Mouais, ça m'embête un peu mais si tu le demandes, je ne peux pas refuser. - Pourquoi ça t'embête ? - … Peu importe, suis-moi et fais attention dans l'escalier. » Dan ouvrit la porte et alluma la lumière. Bien que clignotante et reliée aux fils, elle fut vive et intense, éclairant une petite pièce composée d'équipements sportifs, des cartons, une cave à vins et des objets divers. Le genre de cave habituelle… Dan me passa une chaise pour que je puisse m'asseoir, les escaliers étant jugés inconfortables. Il se changea ensuite derrière un paravent à moitié cassé – apparemment, Shizuka venait souvent dans la cave lorsque Dan s'entraînait –. Il devait sans doute se sentir gêné en ma présence. Était-il pudique ? Aucune idée. Mais lorsqu'il ressortit, il portait un pantalon de sport plutôt ample, ainsi qu'un Marcel noir mettant bien en valeur sa musculature. Était-ce la raison pour laquelle il rougissait ? Je le contemplai tout d'abord effectuer quelques étirements avant de réaliser toute une combinaison de kicks, de coups de poings et d'autres attaques. Je le trouvais très beau quand il virevoltait, ce qui me fit involontairement rougir. À un moment, l'envie lui prit de frapper de façon un peu trop brusque et violente, faisant céder les chaînes retenant le sac, qui alla s'écraser contre une pile de cartons à côté de moi, et faisant tomber une bouteille. Du verre se brisa. Aussitôt, j'allai aider Dan à faire du rangement. « Oh, je suis vraiment désolé, Mina !, dit Dan, tout confus. - Il n'y a pas de mal, rassurai-je. Qu'est-ce qu'il y a dans ces cartons ? - Ah, ce sont des affaires qui appartenaient à mes parents. Et… merde, une bouteille de vin est brisée et qui a pas mal éclaboussé le tout. Aide-moi à nettoyer, s'il te plaît. - D'accord. Et là, y a quoi ? - Oh, des vieux vêtements. Rien de trop grave. - Et dans le petit coffre, y a quoi ? demandai-je. - Dans le quoi ? - Le coffre, là, ici, à côté de ce carton. - Tiens je ne l'avais jamais vu celui là… Ben attends, on va voir. » Il le prit, s'assit sur une autre chaise et l'examina attentivement, avec un air curieux. C'était un vieux coffret en bois d'ébène, avec de jolies armatures en métal et une petite clé rouillée dans la serrure. Il devait sans doute dater, étant donné l'odeur de moisi qui s'en dégageait, même s'il n'y avait pas de traces de moisissures ou d'égratignures. Dan manipula longuement la petite clé rouillée avant de la tourner dans la serrure. Une fois tournée d'un quart de cercle, une voix de femme résonna dans la pièce. Elle appelait Dan, l'intriguant fortement. Nous cherchions tous les deux l'origine de cette voix : « Rassure-moi. Toi aussi, tu l'as entendue ? Je n'ai pas perdu l'esprit ? - De quoi ? dis-je. La voix ? - Donc, tu l'as entendue. Je suis donc sain d'esprit. - Oui. C'est plutôt étrange. Et… d'où est-ce qu'elle vient ? - La question à un million… J'ai juste touché la clé et cette voix s'est faite entendre. - Et si on ouvre le coffre pour voir ce qu'il y a dedans ? - Tentons de déchiffrer ce mystère. » Dan s'exécuta et ouvrit le coffre. Une vieille odeur de bois travaillé à la main se dégageait de ce petit coffret. Plusieurs objets étaient contenus à l'intérieur : un vieux papier plié en quatre, coincé sous un petit paquet emballé, et un pendentif avec un diamant d'un blanc éclatant. Je le trouvai absolument magnifique et je m'empressai de le tenir par la petite cordelette. On aurait dit un véritable diamant, le genre de bijou qui coûterait une petite fortune. Dan posa le coffret, tout en tenant le bout de papier et le paquet : « À ton avis, c'est quoi ? dit-il en dévisageant le petit paquet dans sa main. - Je sais pas. Mais regarde la feuille, ça a l'air d'être une lettre. - Lis-la pour voir. » Je lus alors la lettre à haute voix : " Dan,
Si jamais tu trouves cette lettre, c'est que nous ne serons sans doute plus de ce monde, ta mère et moi. Nous sommes désolés de ne pas être restés plus longtemps avec toi… mais nous étions contraints de faire ainsi. Le monde court un très grave danger !! Des individus malfaisants cherchent à dominer le monde et seules quelques personnes sont en mesures de le sauver. Et tu es l'une d'entre elles ! Ouvre le paquet qui se trouve dans le petit coffret et tu auras des réponses à ces questions. N'oublie jamais : le monde compte sur toi !! Adieu, mon grand…
Ton père Yusuke Hiro Lotyuwi " Une fois la lecture terminée, je vis que Dan avait l'air incroyablement triste. Cette lettre était écrite de la main de son père, disparu depuis près de treize ans. Son air curieux s'était subitement changé en quelque chose de plus mélancolique. Il laissa échapper un profond soupir, sans doute pour couvrir une éventuelle marque de tristesse. Je n'osai pas lui poser de questions, de peur de le blesser involontairement. Je posai ma main sur son épaule pour tenter de le réconforter. Quelques minutes plus tard, il finit enfin par prononcer quelques mots : « C'est une… une lettre de mon père ? Vraiment ? Je… je n'arrive pas à le croire, dit Dan. Ça fait… si longtemps… - Et… qu'est-ce que… ton père veut dire par “le monde court un très grave danger” ? questionnai-je. - Je… je ne sais pas, me dit-il en se reprenant. Je voudrais juste savoir pourquoi il m'a laissé ça et que personne ne m'en ait parlé avant. Mais aussi, je veux savoir ce qu'il y a dans ce paquet. - Hé mais c'est un Deck, dis-je en le voyant déballer soigneusement le paquet. - Certes… mais il est vraiment bizarre… - Pourquoi ? - Je n'ai jamais vu la plupart de ces cartes. - Tu es sérieux ? - Absolument. Et… je sens qu'il y a quelque chose d'étrange dans ces cartes. Je ne saurai le dire… mais ça m'intrigue fortement. » Dan examina attentivement le paquet de cartes, et celle qui en était au-dessus attirait son attention. Elle répondait au nom d'Ange Démon – Clair Obscur. Il y avait quelque chose dans l'illustration de cette carte qui fascinait le jeune homme, qui semblait hypnotisé par la beauté de la créature représentée. Soudain, Dan et moi crûmes halluciner en constatant que l'Elfe qui était dessinée avait dû bouger la tête. « Dan, dis-moi que je ne deviens pas folle. - Tu… Tu as vu… comme moi ? bégayait-il. » Nous décidâmes de jeter un coup d’œil un peu plus précis sur cette bien étrange carte avant d'être subitement éblouis par une lumière blanchâtre. Elle envahissait les moindres recoins de la cave et nous aveuglait totalement. Pris au dépourvu, nous n'avions pu nous couvrir les yeux et ils semblaient brûler à cause de ce fort éclat. Cela avait dû durer en tout et pour tout une bonne vingtaine de secondes avant qu'elle ne finisse par s'atténuer avant de disparaître. Et lorsque nous pûmes enfin voir de façon claire et distincte, nous fûmes incroyablement stupéfaits de constater que nous ne nous trouvions plus dans la cave du 26, Kamen Street… mais dans une sorte de terre dévastée, inondée par les flammes et baignée dans l'obscurité la plus totale. Et… nous étions en train de léviter. “ Un rêve ! Pitié ! Faites que ce ne soit qu'un rêve”, me dis-je. Je regardai ensuite Dan et il n'avait pas l'air d'être trop expressif. Il cherchait sans doute à comprendre ce qui était en train de se produire. Puis, une créature apparut dans un petit tourbillon de lumière non loin de nous. Elle prit la forme d'une très belle femme à la longue chevelure albe, aux formes plutôt généreuses et au visage mêlant désespoir et sérénité. De beaux yeux noirs et un petit nez joliment dessiné s'ajoutaient à une paire d'oreilles légèrement pointues, pour former l'un des visages les plus splendides qu'il m'ait été donné de voir. En la dévisageant, je remarquai qu'elle ressemblait comme deux gouttes d'eau à la carte que Dan et moi étions en train de regarder à peine une minute plus tôt. Cette créature avait une grande paire d'ailes noires, mais aussi deux plus petites. Elle portait une espèce de robe en lambeaux, mais qui couvrait l'essentiel, ainsi que des espèces de cothurnes. Elle brandissait une lance avec trois pointes sur un côté. Physiquement, elle ne devait pas faire plus de trente ans. S'approchant de nous, elle parla à Dan avec une voix suave et chaleureuse : « Nous t'attendions depuis des années, Dan Lotyuwi, dit-elle, droit au but. - Euh… qu'est-ce qui se passe ? Qui êtes-vous ? D'où est-ce que vous me connaissez et pourquoi est-ce que vous m'attendiez ? questionna Dan après quelques longues secondes d'hésitation. » Kaly eut un petit sourire et inclina légèrement la tête sur la droite. Dan et moi nous regardions un bref instant et il avait l'air encore plus perdu que je ne l'étais. En même temps, je ne comprenais pas grand chose non plus. « Que je suis malpolie ! reprit-elle. Mon nom est Kaly. Je suis une Elfe d'Endlenda et vous vous trouvez actuellement au cœur d'une vision qui concernera nos deux mondes si rien n'a été fait pour lutter contre eux. - Notre… notre monde ? Il va ressembler à ça ? dis-je, choquée. - Nos deux mondes ? répéta Dan. Qu'est-ce que vous voulez dire ? Je ne pige absolument rien à votre charabia. -L'Endlenda est un monde qui se trouve dans une dimension parallèle à la votre. Dans ce monde vivent des créatures magiques et très puissantes. Mon peuple, les Elfes, gouverne ce monde depuis des temps immémoriaux et fait en sorte que chaque chose vive en harmonie totale. Mais un jour, des créatures malfaisantes, menées par le plus vil des Démons, cherche à le faire passer sous le joug des ténèbres et à exterminer tous ceux qui s'opposeraient à ses idéaux ténébreux. - Et pourquoi notre monde est aussi concerné ? - Une prophétie annonce le retour de guerriers légendaires venant d'un autre monde pour vaincre ces Démons et rétablir l'ordre entre nos deux mondes. Ces guerriers sont déjà venus par le passé et nous sommes certains que les ténèbres cherchent à dévaster une nouvelle fois notre monde. De plus, cela leur donnerait la puissance nécessaire pour répandre la destruction, la terreur et les ombres sur les autres dimensions existantes afin de créer un chaos total qui conduirait à l'annihilation pure et simple de tous les mondes potentiellement existants. » Ces révélations étaient totalement lourdes à encaisser. Mais qui était cette Kaly et comment était-elle certaine de ce qu'elle avançait ? Personnellement, j'avais énormément de mal à rassembler les différentes pièces de son puzzle et cherchais une explication tout à fait logique. Dan, lui, était en train de se gratter le menton en prenant un air pensif. Je ne savais pas ce qu'il avait en tête mais j'étais sûre qu'il ne cherchait pas à trouver quelque chose de bien violent à répondre à cette Kaly. « Des Démons ? Des dimensions différentes ? Une fin des mondes ? Mais qu'est-ce que j'ai à voir là-dedans ? Moi, Dan Lotyuwi ? demandait-il après quelques temps passés à réfléchir. - Un Démon est en réalité un Elfe ayant succombé aux forces des ténèbres et qui a renoncé à sa nature initiale pour une voie semée de chaos. - J'ai l'impression que c'est un canular incroyable, dit Dan. N'est-ce pas Mina ? - Euh…, dis-je. Aucune idée… - Je comprends que tu sois dubitatif face à ce que je viens de te dire mais tout est la stricte vérité. Nous avons besoin de toi, Dan. Tu fais partie de ces guerriers légendaires. - Et… je suis censé faire quoi, à part sauver le monde ? Je sais me battre mais si vous disposez de pouvoirs magiques, c'est bien au-delà de mes compétences… - Les cartes que tu as en main… regarde-les attentivement. - J'avais compris que vous étiez une de ces créatures. Mais pourquoi ? Ça n'a aucun sens… - Elles sont uniques au monde et ont été créés avec l'aide d'une personne que tu connais très bien : ton père. - Créés ? Mon père était ingénieur. Il ne créait pas de cartes ? - Je pense que Shizuka saura répondre à cette question. Toujours est-il qu'une fois ces cartes réalisées, tous les Elfes représentés y ont adjoint une partie de leur âme, qui ne répond qu'à celui qui serait capable de porter le médaillon de Myurnir. » Je sentis que Kaly essayait de convaincre Dan avec une certaine fermeté dans ses propos mais d'un autre côté, je me doutai que Dan n'y était pas vraiment. Il cherchait toujours une explication rationnelle, répondant à une logique scientifique et non fantaisiste. « Les précédents guerriers légendaires manipulaient des puissances magiques et celle-ci s'est matérialisée aujourd'hui sous la forme de ce jeu de cartes que vous semblez apprécier, au même titre que mon Seigneur, expliqua-t-elle, faisant sursauter Dan qui paraissait perdu dans ses pensées. - Vous… vous venez de lire… - Oh, désolée ! C'est une mauvaise habitude que j'utilise souvent lorsque mon interlocuteur est difficile à convaincre. - J'aimerais y croire, en effet. Mais cela ne semble être qu'une vaste hallucination… - Et je crois que votre amie n'est pas de cet avis, Dan, dit Kaly en me désignant clairement. - Ah… euh… à vrai dire, je ne sais pas trop. Je… J'ai vu pas mal de trucs étranges mais là, ça dépasse largement tout ce que j'ai pu voir, dis-je, mal à l'aise pour l'Elfe qui semblait de plus en plus triste. - Dan… ton père non plus ne semblait pas y croire. Mais il en a été convaincu. Il pensait que c'était son devoir de sauver le monde. Il voulait le faire pour te protéger. Ta mère aussi en était persuadée et a décidé de le suivre. Tous deux sont morts face à l'une de ces créatures. Nous avons ramené ces cartes à Shizuka en lui faisant promettre de te les donner pour que tu puisses accomplir ton destin en tant que guerrier légendaire. - Mettons que j'y croie à mon tour, commença Dan après un autre temps de réflexion. Je dois sauver le monde avec trois autres personnes, en battant une espèce d'horreur incapable de gérer ses pulsions, ainsi que toute son armée de bouffons des ténèbres, afin de les empêcher de foutre un bordel mémorable dans un nombre incalculable de dimensions. C'est ça ? - En gros, oui, répondit Kaly avec un sourire. - C'est une blague… sans déconner ? Vous vous moquez de moi, c'est pas possible. Je vais me réveiller dans ma cave, mon sac de frappe à terre. Mina, pince-moi pour bien me ramener dans ma cave. - Si tu veux… » Alors que j'allais bêtement m'exécuter, je croisai le regard de Kaly qui était passé de simplement amical à totalement terrifiant. Elle fusillait Dan avec une telle méchanceté que ce dernier s'est instantanément immobilisé, alors qu'il cherchait à se retourner vers moi. Dans un mouvement presque mécanique, Dan finit par pivoter lentement, sans toutefois être pleinement conscient de ce qu'il faisait. Kaly se rapprocha de lui et j'eus tout de suite peur de son espèce de lance si elle se mettait à s'en servir, étant donné que les pointes prirent une teinte verdâtre ? « Est-ce que j'ai l'air de plaisanter ? demanda Kaly. - J'ai… tout simplement du mal à vous croire, répondit Dan d'une manière désinvolte. C'est tellement abracadabrantesque que l'on dirait le genre d'histoires que des étudiants écriraient en lien à des univers magiques liées à des phénomènes de culture. - Tu ne sembles toujours pas me croire… Soit, mais laisse-moi te dire que l'endroit dans lequel nous nous trouvons est en réalité cette maison telle qu'elle sera d'ici quelques années si tu décides de ne rien faire pour lutter contre ce fléau inter-dimensionnel. Laisser tomber l'Endlenda aux mains des Démons revient à laisser tomber le monde des hommes sous leur joug. - Je suis persuadé que vous êtes capables de lutter contre ces ténèbres et que vous n'avez pas besoin de gens qui manipulent des cartes comme moi. - Dan…, dis-je après un moment de silence. Est-ce que tu… ne crois pas qu'elle dit la vérité ? Ton père avait peut-être l'air sincère dans sa lettre. - Peut-être mais de là à me dire que tout ça a un rapport avec un autre monde, y a de quoi devenir chèvre. - Sans la force des guerriers légendaires du monde des hommes, nous sommes incapable d'anéantir les Démons. L'âme de ces guerriers est si puissante qu'elle représente une arme létale pour les créatures ténébreuses. Sans toi, elle proliféreront et ruineront nos mondes. - Et que dois-je faire ? Trouver ces autres guerriers ? Comment je saurai qu'il s'agisse d'eux et pas de types lambda ? Ça revient limite à me jeter dans une jungle tropicale avec un couteau émoussé, une gourde à peine remplie et un mot me disait de me débrouiller avec ça. - ARRÊTE DE TE MOQUER DE MOI, DAN !!! explosa subitement Kaly, incitant Dan à se taire. Tu fais partie des derniers espoirs en notre possession. Ne gâche pas l'avenir du monde ! - Et… comment saurai-je qu'il s'agit d'eux ? - Tu le sentiras. Leurs âmes seront attirées par la tienne plus vite que tu ne le penses. À présent, je vais devoir vous quitter. - Mais… - Dan, n'oublie pas que ton médaillon te permet d'entrer en contact avec chaque Elfe de ton jeu. Et je suis là pour te prodiguer mes conseils. Je fais partie intégrante de ton jeu, en tant qu'Ange Démon – Clair Obscur. - D'accord… Kaly. Mais je resterai perplexe avant d'être convaincu. - Tu finiras par me croire, dit Kaly en souriant. » Sur ces mots, elle claque des doigts et un autre intense éclat de lumière nous éblouit. Une fois dissipé, nous nous rendîmes compte que nous nous trouvions bel et bien dans la cave de la maison, dans l'état exact avant ce drôle d'événement. Mes yeux se posèrent sur Dan et il avait l'air bien songeur à propos de toute cette discussion avec cette dénommée Kaly. Il contemplait ce Deck, carte après carte, tout en ayant celle de l'Ange Démon – Clair Obscur sous les yeux. Je sentais que ce n'était pas le moment de dire quelque chose alors je me contentai de ranger un peu le désordre causé par la chute du sac de frappe. Puis, Dan vint m'aider après avoir rangé les cartes dans une petite pochette attachée à une ceinture. Il mit également le pendentif avec le diamant autour de son cou avant de se rhabiller. Puis, une fois sortis de la cave, nous nous dirigeâmes vers la table où le repas était prêt à être servi. Shizuka était un véritable cordon bleu et tout ce qu'elle avait fait était succulent. Pendant le repas, je discutai de chose et d'autres avec elle, tandis que Dan restait un peu confiné dans un silence qui ne semblait la déranger. Il mangeait tranquillement et posément. Ce n'était qu'au moment du dessert que la gouvernante de la maison finit par lui poser une question : « Ta journée s'est bien passée, Dan ? » Honnêtement, j'aurais cru qu'il n'allait rien dire mais, entre deux bouchées de gâteau à la framboise, il finit par dire quelques mots : « Oh, ça pouvait aller, dit-il avec un air songeur. Un peu ennuyeux mais ça allait. Comme d'habitude. - Et ton entraînement ? - J'ai juste renversé le sac de frappe sur une pile de cartons et y a eu une bouteille qui s'est brisée. Mais ne t'en fais pas, on a nettoyé avec Mina. - D'accord, dit-elle aimablement. » Je regardai Dan et je ne compris pas pourquoi il ne lui parlait pas de ce qui s'était passé avec le petit coffret qu'il avait trouvé. Mon regard croisa le sien et je fus quasiment convaincue que ses yeux m'ont parlé pour me demander de garder le silence là-dessus. Je ne sus pas si Shizuka l'avait remarqué mais elle se leva de table et alla prendre quelque chose sur la commode. « Tiens, Dan, j'ai quelque chose pour toi, dit-elle en lui tendant une petite enveloppe. - Ça vient de qui ? demanda Dan avant de l'ouvrir. - D'un jeune homme de ton âge qui est passé avant que tu ne rentres à la maison en compagnie de Mina tout à l'heure. Un drôle de garçon d'ailleurs. - Drôle de garçon ? - Un jeune homme, blond avec des cheveux très courts. Il portait un jean ample. Je l'ai trouvé un peu violent et son ton de voix semblait agressif. Mais il s'est adressé à moi avec une très grande gentillesse et fut très aimable. - Blond avec des cheveux courts et un ton de voix agressif ? Ça me dit quelque chose ? - Il n'y a que Warren qui correspond à ce portrait, dis-je en réfléchissant. Mais entendre dire qu'il était poli, ça me rend perplexe. D'habitude, il est toujours insultant. - Pas mal de jeunes d'aujourd'hui ne connaissent pas tellement le sens de l'expression “formules de politesse” mais lui était tout à fait courtois. - Et il n'a donné que cette enveloppe ? - Pas tout à fait. Il y avait ton livre aussi. - Zut, je me disais bien que je l'avais oublié au lycée…, dit Dan. Alors … que nous veut ce cher Warren ? » Il lut le contenu de l'enveloppe et sembla très ravi à l'idée d'affronter Warren pour le lendemain. Je regardai ce qu'il avait écrit et il avait l'air impatient à l'idée d'avoir enfin un Duelliste à sa hauteur pour asseoir définitivement sa domination sur le lycée. Et surtout, il précisait qu'aucun quartier ne serait fait pendant ce combat. Dan rit un peu, ce qui amusa Shizuka, qui encouragea Dan à lui montrer comment on livre un Duel – Dan et moi lui avions fait un petit récapitulatif des exploits de Warren depuis son arrivée au lycée –. Une tasse de thé et une demi-heure plus tard, je décidai de rentrer chez moi. Je saluai Shizuka et la remerciai pour ce repas, et Dan tint à me raccompagner jusqu'à ma porte : « Tu n'étais pas obligée de me raccompagner jusque chez moi. Je ne me serais pas perdue. - On ne sait jamais… des fois que Warren décide de te faire rappeler ce qu'il t'a promis. - Ne me le rappelle pas, s'il te plaît, dis-je en frissonnant. Mais j'ai hâte que tu le battes demain. - À propos de ça… je ne le sens pas, ce Duel. - Qu'est-ce que tu veux dire ? - Je ne vois pas vraiment comment le battre. Et tout ce qui s'est passé dans la cave me laisse vraiment songeur. - Faut juste que tu t'entraînes bien avant ce Duel. Laisse ce que Kaly t'a dit de côté pour le moment. - Je ferai ce que j'ai à faire… Merci d'être venue, Mina. Ça m'a fait plaisir que tu sois là. - Merci à toi de m'avoir invitée, surtout, dis-je. J'ai beaucoup apprécié ce repas. » Je finis par rentrer chez moi, saluant une dernière fois Dan, avant de monter directement me coucher. La journée n'était peut-être pas aussi pourrie que je ne le pensais. Dan, lui, retourna également chez lui, pour aider son adorable gouvernante à débarrasser la table, où ils discutèrent un peu. « Elle est vraiment adorable, cette jeune Mina, tu ne trouves pas ? demanda Shizuka. - Absolument. - Elle a vraiment du mérite de s'occuper de tes cours quand tu restes ici. Tu as bien fait de l'inviter. - C'est quelqu'un de formidable, dit Dan, cachant à Shizuka le fait qu'il y a eu une altercation entre sa voisine et son adversaire du lendemain. Je prends beaucoup de plaisir à être avec elle, tout comme toi. - Adorable…, répondit la gouvernante avant de voir le pendentif ornant le cou de Dan. Tiens… tu l'as trouvé à ce que je vois. - De quoi ? Ah, oui. Dans un coffre dans la cave. - Et alors ? Il y avait bien ce que je pense ? Ces cartes ? - Oui. - Tu sais ce que cela veut dire ? - Je crois mais j'ai du mal à y croire. - Il faut que je te raconte quelque chose, Dan. »
|
| | | honest
Messages : 2044 Points : 2067 Réputation : 3 Date d'inscription : 03/01/2015 Age : 25 Localisation : Stairway to heaven
| Sujet: Re: Le Démon d'un Autre Monde - version réécrite Lun 4 Nov - 14:29 | |
| Chapitre 3 - Duel-Test...- Spoiler:
Le lendemain, j'attendais Dan devant chez lui lorsque je le vis sortir extrêmement confiant et sans doute un brin fatigué. Il portait sa fameuse chaise pliante, son sac en bandoulière et son Disque de Duel. Son ravissant pendentif était également bien visible et luisait dans la fin de l'obscurité nocturne. Les quelques cernes qui s’amoncelaient sous ses yeux me firent penser qu'il avait très certainement dû passer une partie de la nuit à travailler ses cartes ou bien il était purement fatigué à l'idée d'affronter Warren. Il me salua avec une certaine courtoisie, avant que je ne fasse un signe de la main à Shizuka, qui attendait tranquillement sur le perron, toujours vêtue de son kimono. Elle sourit en me rendant mon salut. C'était bien la première fois que je voyais Dan aussi motivé pour aller au lycée. Une fois, je l'avais aperçu en train de rentrer chez lui à cause d'un simple crachin. Fumiste sur vingt…
Une fois arrivés au lycée, nous constatâmes que pas mal de gens s'étaient arrêtés de bouger à l'instant même où Dan fit son apparition aussi tôt dans une journée, lui qui en général, arrivait toujours deux à trois minutes avant le début du cours. On avançait tous les deux jusqu'à ce que Warren se présenta face à son adversaire du jour. Il ne souriait pas et avait visiblement très envie d'être à la mi-journée pour le combat de l'année. Une sorte de pré-show du Duel en quelque sorte… Dan se plaça à quelques centimètres de son adversaire, qui le toisait du regard, et se contentait juste d'incliner légèrement la tête en posant ses mains sur ses hanches. On se serait cru à un match de boxe, lors de la pesée des combattants. Aucun mot ni geste physique entre eux, à part un sourire narquois de la part de Warren, là où Dan restait de marbre. Tout le monde autour avait également la hype pour ce combat de titans. Puis, Dan se dirigea vers la salle de classe, en posant sa chaise sur les casiers. Là, il semblait tout à fait moins fumiste et plus attentif à ce que les profs racontaient. Ces derniers parurent totalement médusés en voyant les deux adversaires arriver à l'heure et en silence dans la salle. La clique de Warren s'était tenue à carreaux toute la journée, ce qui était inédit.
Lorsque Mrs. Clyvey, la prof d'anglais, entra dans la salle pour le premier cours, elle tomba à la renverse en voyant Warren et sa bande bien silencieuse, mais aussi en voyant Dan en train de boire sa première tasse de thé de la journée. Elle n'avait pas pour habitude d'avoir une classe aussi calme, puisque ça dégénérait systématiquement en un capharnaüm des plus absurdes quand Warren assistait aux cours d'anglais. De plus, elle n'appréciait pas spécialement Dan car il lui avait fait remarquer qu'elle avait “un niveau d'anglais quelconque pour une prof”, ce qu'elle n'avait pas vraiment aimé. En même temps, Dan parlait plusieurs langues à la perfection, et, en tant que citoyen américain, l'anglais était une de ces langues.
Concernant Warren, j'ai pensé qu'il avait dû oublier le fait que je devais être son valet pendant quelques semaines, puisqu'il n'avait pas adressé la parole à qui que ce soit, à part à sa clique pour rester calme, et à la prof pour aller aux toilettes, et puis poliment. Elle savait qu'ils allaient s'affronter en Duel à midi mais elle ne pensait pas que ça allait avoir des effets secondaires aussi positifs en terme de comportement. Bref, les quatre premières heures de la journée furent des plus longues et monotones, étant donné que tout le monde attendait avec impatience cet affrontement. Mais… et je n'arrivais même pas à le croire moi-même, les vacheries de la clique de Warren animaient énormément la journée… et là, un vide total occupa les cours du matin.
À midi, au self, tout le monde se dépêchait de manger le plus vite possible pour se rendre ensuite dans l'Arène du lycée. Le Duel occupait tellement les conversations de table, à tel point que j'en avais clairement marre. Dan me demanda de le laisser seul pour manger, ce qui n'était pas anormal. En revanche, ce qui l'a paru, c'était que Warren l'imitât, demandant à sa bande de le laisser se concentrer. Je regardai ses acolytes d'un air bien confus lorsque l'un d'entre eux, une tanche du nom de Terry, vint me demander :
« Est-ce que tu sais ce qu'ils ont ? Le Duel ne les mets quand même pas dans des états-là ? - Je ne sais pas. L'envie d'être tranquille ? dis-je, totalement sarcastique. - Ne cherche pas… de toute façon, ton petit copain va se faire humilier par Warren… et toi, tu prendras cher… - C'est ça… »
Sur cette réponse, il retourna voir ses copains en me fusillant du regard. Je n'étais clairement pas effrayée à l'idée que Dan puisse perdre. J'essayai toutefois de ne pas croiser le regard de Warren, qui me faisait froid dans le dos. Les deux adversaires étaient chacun en train de manger tout en silence, Warren regardant une dernière fois ses cartes afin d'optimiser son jeu. Dan, lui, était encore en train de lire. Mais moi, je cherchais une place où m'asseoir. La plupart des tables étaient occupées par des gens que je n'appréciais pas spécialement… jusqu'à ce qu'une petite voix m'interpella :
« Tu peux t'asseoir avec nous si tu veux… »
Par curiosité, je me retournai et je remarquai la présence de deux élèves du niveau inférieur, un gars et une fille. Lui avait des cheveux noirs en bataille et des yeux d'un bleu étincelant. La jeune fille avait des cheveux blonds foncés avec des petites tresses dont quelques unes étaient reliées ensemble. Elle avait une jolie boucle d'oreille argentée à l'oreille gauche et un visage que l'on aurait cru dessiné à la main. Elle avait exactement les mêmes yeux que son voisin de table. En remarquant leurs vêtements, je me doutais qu'il venaient d'une famille avec un certain capital financier. Ils me proposèrent de manger à leur table et je n'hésitai pas une seconde à poser mon plateau à côté du jeune garçon. Je n'avais aucune idée de qui il pouvait bien s'agir mais je n'avais pas spécialement envie de manger toute seule donc voilà.
« Je te présente ma sœur, Nejma Kunoka. Et moi, c'est Veneko. - Oh… enchantée, dis-je en leur serrant la main. Je suis Mina Mizunori. »
Kunoka ? Ce nom me disait quelque chose… Ah oui, c'était cette famille travaillant dans l'industrie chimique lourde. De bons gros capitalistes vivant dans le luxe et l'opulence. Après, je dis ça mais mes parents étaient des cadres supérieurs en entreprise donc je n'avais pas à me plaindre de mon niveau de vie. Le dénommé Veneko me demanda :
« Qu'est-ce qu'il se passe pour que tout le monde soit aussi excité ? Les vacances sont avancées ? - Le Duel, Veneko. Tu n'es pas au courant ? - Euh… non. C'est qui contre qui ? - Hé bien, Warren affronte Dan, dis-je. - Dan ? C'est l'épouvantail qui se balade avec une chaise pliante ? - Oui, dit Nejma. - Tu le connais, Mina ? - Évidemment, on est dans la même classe et il habite en face de chez moi. Et vous allez assister au Duel ? - Bien sûr ! assura Nejma. Nous aussi, nous sommes des Duellistes. - Mais on est plutôt axés sur le double, dit Veneko. Mais là, j'avoue que Warren est bien étrange. Je ne l'avais pas vu comme ça avant un Duel. - Je me demande quand même ce que ce Dan va jouer. - Je rêverais de le voir gagner, juste pour voir la réaction de Warren. - Moi aussi, dis-je, songeuse. »
Veneko semblait être un peu niais par moments et sa sœur devait sans doute penser pour deux. En tout cas, ils avaient l'air très sympathiques et n'avaient pas encore été ciblés par Warren, ce qui me rassurait un petit peu. J'observai de nouveau les deux adversaires du jour qui allaient en découdre dans peu de temps : Warren écoutait de la musique en mangeant, tandis que Dan était toujours en train de bouquiner, des bouchons dans les oreilles. Quelle impression de sérénité et de concentration chez ces deux-là ! Cette affiche promettait tellement et j'avais le pressentiment qu'aucun des deux ne s'arrêterait tant que l'adversaire disposerait de Points de Vie. Les deux Duellistes finirent leur plateau respectif et quittèrent le self afin de se rendre dans l'Arène environ dix minutes plus tard.
Une fois arrivée là-bas à mon tour, je fus admirative devant les tribunes sans aucune place libre. Heureusement que ma place était la meilleure. Et je distinguai la présence des surveillants et de certains profs, ce qui était plutôt rare. Kanowski était là, Clyvey aussi, Zôton, le prof d'arts plastiques aussi, Taron, le responsable du club de Duel également. “Wow ! Ce Duel est celui du siècle vu tout le monde rameuté !”, me dis-je. Puis, je croisai de nouveau Nejma et Veneko.
« J'ignorais que tu étais l'arbitre, me dit Veneko. - Tu le fais exprès ? lui rappela sa sœur. On assiste à quasiment tous les Duels… - Je ne fais pas attention à l'arbitre, répondit-il. Mais en fait, tu fais quoi ? - Je cherche à éviter que les Duellistes en viennent aux mains et là… comme c'est Warren, faut être prêt à tout. »
Les jumeaux Kunoka s'assirent près de moi. Ensuite, j'appelai les deux Duellistes à entrer sur le Terrain, acclamés par toute la foule. Inutile de préciser que le nombre de paris pour ce Duel avait battu tous les records. Je regardai Warren et il semblait limite stresser à l'idée de perdre. D'habitude, il n'arrêtait pas de trasher son adversaire, ou bien de me menacer de me faire du mal si je ne l'aidais pas, mais là, il avait dû faire un vœu de silence depuis le début de la matinée. Dan, lui, j'espérai juste qu'il savait ce qu'il faisait, qu'il serait capable de bien manier son Deck. Il n'avait pas l'air totalement angoissé et avait déplié sa chaise, sous l'hilarité générale. Une fois que les deux lycéens se firent face, une confrontation de regards froids et austères eut lieu, assortie d'une poignée de main des plus glaciales, où chacun essayait de broyer celle de l'adversaire. Je lançai une pièce pour savoir qui aurait l'honneur de commencer. Dan l'emporta et décida qu'il prendrait la mise en jeu. Puis, après avoir mélangé le Deck de l'autre, ils rejoignirent leur place, Warren se craquant les doigts, face à un Dan qui se cala bien au fond de sa chaise. Les Disques de Duel s'allumèrent. Je me demandais bien ce qu'ils pouvaient avoir en tête à l'instant même.
*
“Je me demande bien ce que peut jouer ce Dan, pensait Warren. Allez, je vise la 200è ! Je sens que je vais beaucoup m'amuser face à cet amateur. Il ne s'est sans doute pas entraîné pour faire le clown…” “Avec la nuit passée à étudier ce Deck, je ne devrais pas avoir trop de mal. Mais je dois me méfier de Warren, il a l'air de se bien se débrouiller et je dois rester vigilant. Et j'ai encore faim…”, se disait Dan.
« Est-ce que les deux duellistes sont prêts ? annonçai-je. Aucun contact physique ni injures verbales. Compris ? - OUI, répondirent-ils en chœur. - ALORS QUE LE DUEL COMMENCE ! - DUEL ! »
*
Le public était encore plus en ébullition qu'avant le Duel. La bonbonne explosait à l'instant précis où Dan et Warren tirèrent leur main de départ. Le Duel avait beau n'avoir été planifié que la veille et il a fait un tel bruit en l'espace d'une journée que cela en devenait incroyable. Warren avait sûrement dû proclamer haut et fort que Dan allait mordre la poussière. Il y avait toutefois une inconnue à ce combat :
« Avant de commencer, Lotyuwi… Et si nous rendions ce Duel un peu plus amusant ? - Je t'écoute…, répondit Dan d'une voix nonchalante. - Si je l'emporte, je ferai de toi mon petit subordonné. J'aimerais bien m'emparer de ton Deck et de ton joli collier. Ça et le droit de continuer à martyriser toute la populace présente. - Si ça peut te faire plaisir…, soupira Dan. Mais SI je l'emporte, je t'exhorterai à arrêter définitivement tout ton petit manège de terreur tout à fait pathétique. - OK mais faudra que tu l'emportes… Et avec ce que je te réserve, ce n'est pas gagné. - Ça reste à voir… »
Sur le coup, j'en vins à me demander ce que cherchait réellement à faire Dan. Mettre en jeu son Deck et son pendentif et avec le prétendu destin que Kaly lui avait annoncé, cela revenait à jouer à quitte ou double. J'espérai secrètement que Dan vienne à l'emporter.
Warren : 4000 Dan : 4000
« J'engage les hostilités ! Je commence par une carte Magie : Pomme de la Curiosité. - Qu'est-ce que c'est que ça ? - J'ai la possibilité de jeter un coup d'œil aux cinq premières cartes de mon Deck, en choisir une et l'ajouter à ma main. Alors, je vais ajouter… celle là à ma main et je mélange les autres dans mon Deck. Je pose deux cartes face cachées, puis j'active mon Sanctuaire Démoniaque, qui me permet d'avoir un Pantin Métallique de Démon sur le Terrain. - Tu commences par jouer deux cartes plutôt sympa mais tu ne fais que brasser du vide. Je commence sévèrement à m'ennuyer, dit Warren, alors que Dan semblait s'en moquer. - Ensuite, je vais le sacrifier afin d'appeler sur le Terrain l'Ange Démon – Démon Brûlant et j'active sa faculté spéciale. Lorsqu'il est invoqué, je peux piocher trois cartes et invoquer tous les monstres ayant Ange Démon dans leur noms de carte. - Je ne connais pas ces monstres Ange Démon. Ils sortent d'où ? demanda Warren. - Tu n'as pas à le savoir… Je révèle ainsi Ange Démon – Guerrier du Clair de Lune ; Ange Démon – Faucheuse Hybride et Ange Démon – Cyber Ange Lumineux. - ATTENDS ??? TU VIENS DE SORTIR TROIS MONSTRES D'UN SEUL COUP ??? - Absolument, répondit Dan sans le moindre sourire de fierté. Et tant que j'y suis, la faculté du Cyber Ange s'active, donc tu gagnes cinq cents Points pour chaque carte de ta main. - Oh mais c'est sympa ça, j'en ai cinq donc 2500 de plus. »
Tout le monde avait les yeux écarquillés devant cette manœuvre. C'était limite un coup de chance total de pouvoir révéler trois monstres pour les invoquer de suite, et au premier tour. Même Warren et la plupart des Duellistes présents au Duel n'en revenaient pas. Je jetai un coup d’œil attentif à la façon dont M. Kanowski regardait Dan, qu'il jugeait comme son élève préféré, et il avait l'air soudainement émerveillé devant la manière dont il jouait. Je ne compris pas les raisons d'un tel sourire de la part de ce prof qui était pourtant réputé pour faire la gueule à partir de l'instant où il entrait dans l'établissement jusqu'à ce qu'il en sorte en fin de journée. Et même les deux commentateurs du Duel parurent stupéfaits. En général, ils faisaient des reviews des Duels dans le journal du lycée.
L'effet du Cyber Ange Lumineux dès son invocation rendait Warren tout à fait heureux car il lui donnait de facto un certain avantage sur son adversaire. Je fus presque sûre qu'il devait penser que Dan lui donnait un petit coup de main pour l'aider à gagner. Dan, lui, restait de marbre dans sa chaise et reprit son tour.
Warren : 6500 Dan : 4000
« Mais en contrepartie, reprit-il, tu vas envoyer autant de cartes depuis le haut du Deck que tu en as en main. - Attends une minute ! T'es pas sérieux ? Tu veux dire que je vais devoir virer cinq cartes de mon Deck ? - Oui, c'est cela et je termine mon tour. - Enfin, c'est pas trop tôt. À moi, dit-il en envoyant les cinq cartes du haut du Deck au Cimetière puis en piochant une carte. Au fait, je te remercie Dan. - De quoi ? - Avec ton monstre, j'ai pu envoyer la carte que je voulais. J'active Monster Reborn. Comme ça, je peux invoquer mon Dragon Sombre Métallique aux Yeux Rouges. »
Un énorme dragon de métal surgit sur le Terrain, faisant parcourir un puissant frisson dans mon corps. Il était d'un noir luisant et ses yeux brillaient comme des rubis dans lesquels la lumière serait reflétée. Dan ne semblait nullement impressionné devant la carrure du dragon, qui poussa un hurlement assez sonore, effrayant certains spectateurs.
« J'active sa faculté spéciale qui me permet d'invoquer depuis ma main le Dragon Tyran. Il est invulnérable aux effets de Pièges qui le ciblent et il peut attaquer deux fois par tour si tu contrôles un monstre. - Là, déjà, on est bien…, me dis-je en regardant Dan. - Mais je n'ai pas fini. J'invoque le Dragon Armé LV3 mais il ne fait que passer. Je joue la Montée de Niveau qui va le remplacer par son grand frère, le Dragon Armé LV5 depuis ma main. - Oh le joli groupe de lézards…, dit Dan. - Et maintenant, je vais attaquer tes quatre petits monstres avec mes trois dragons. ALLEZ ! »
Trois grands dragons se tinrent sur le Terrain, toutes griffes déployées et prêts à ne faire qu'une bouchée des petits monstres de Dan. Ils se ruèrent sur les Elfes de Dan, qui devait forcément s'attendre à un début de Duel plutôt intense de la part de son adversaire. Le public s'attendait à un combat épique et n'avait pas l'air d'être trop déçu. Des acclamations et encouragements descendirent des tribunes, de la part d'élèves mais aussi des professeurs. Le soutien était cinquante-cinquante. Beaucoup voyaient Warren grandissime favori, là où d'autres espéraient enfin le voir tomber de la main de Dan. C'était drôle de voir que le ressentiment à l'égard de Warren pouvait être oublié le temps d'un Duel. Toutefois, ce dernier laissa échapper un grand rire, tandis que Dan laissa échapper un bâillement et restait toujours impassible dans sa chaise. Il claqua des doigts, stoppant les dragons dans leur mouvement.
« Tu m'as pris pour un de ces débutants, Warren ? - Qu'est-ce qu'il y a ? - Je t'ai tendu un Piège et tu n'as rien trouvé de mieux que de plonger dedans la tête la première. Je révèle ma carte face cachée, le Massacre de la St-Valentin. Je suis sûr que tu imagines ce qui va se passer… - Mon Dragon Tyran est insensible aux Pièges. - Qui le ciblent lui, tu te rappelles ? Mais ma carte fait mieux car elle détruit tous les monstres en mode Attaque sur ton côté du Terrain. - C'EST UNE BLAGUE ??? TU NE PEUX PAS FAIRE ÇA ! - Et pourtant, je viens de le faire, mon cher ! Et tu peux être sûr que je ne vais absolument pas me gêner pour faire de ce Duel une séance d'entraînement pour moi. Je n'ai pas pris autant de plaisir à faire de Duel depuis des années. Crois bien que je ne retiendrai aucun de mes coups. Tu tomberas à genoux, le compteur de Points de Vie à zéro à la fin de ce Duel !
Au moment où la carte de Dan se retourna, des gangsters américains style années 1930 en sortirent, armés de mitraillettes, dont ils vidèrent les chargeurs sur les dragons de Warren. Une puissante explosion retentit, envoyant les créatures de Warren au Cimetière. Elle était plutôt intense et on entendait Warren jurer une fois qu'ils eurent disparus. Dan reprit ensuite :
« Ah au fait, ma carte nous en fait piocher chacun une autre. - Encore heureux… “La vache, je suis en grande difficulté. Il doit être vraiment sûr de lui pour jouer une carte pareille aussi bien. Je croyais qu'il ne savait pas se battre en Duel. Je ne l'avais encore jamais vu faire un Duel ici. Mais je dois admettre qu'il ne se débrouille pas trop mal. Cela dit, j'ai encore quelques tours à lui jouer”, pensait-il. Je termine mon tour en posant deux cartes face cachées. - À moi ! Je pioche. »
Les élèves parurent stupéfaits en voyant Warren en difficulté face à un gars qui était en train de livrer son tout premier Duel au lycée, et qui manipulait un Deck qu'il n'avait eu que la veille – mais ça, il n'y avait que moi qui le savait –. J'avais l'impression qu'il connaissait parfaitement chaque carte, et que sa soirée de préparation fut des plus fructueuses. Je tournai la tête et vis que les jumeaux Kunoka avaient l'air passionnés par ce Duel, tout comme certains profs, à l'image de M. Kanowski. Moi, je ne savais pas trop quoi penser de tout cela. J'étais contente de voir Warren rager lors d'un Duel mais la façon dont Dan se battait me rendait perplexe. « Attends un peu, Lotyuwi ! - Qu'est-ce qu'il y a ? - Je vais activer mes deux Oasis d'Âmes de Dragon face cachée ! Je peux désormais rappeler deux monstres depuis mon Cimetière. Je fais revenir mon Dragon Armé LV5 et mon Dragon Sombre. - Si tu veux. Après tout, je les ai déjà pulvérisés, je peux aisément le refaire. - Fous-toi de moi, pauvre bouffon… - Quant à moi, je vais activer deux fois l'effet du Guerrier du Clair de Lune pour réduire son niveau ainsi qu'au Démon Brûlant, ce qui les fait passer au Niveau quatre. - Et ça va te servir à quoi ? - Les recouvrir pour invoquer le monstre Xyz Ange Démon – Roi de l'Apocalypse. »
Une créature ailée gigantesque fit son apparition sur le Terrain, balayé par des rafales de vent vraiment puissantes. Warren recula d'un pas devant l'aura dangereuse du monstre invoqué par son adversaire. D'ailleurs, il surpassait la puissance de ses deux dragons en mode Défense.
« Je vais activer sa faculté spéciale. En retirant un Matériel, je vais pouvoir détruire mes deux autres monstres sur le Terrain pour augmenter sa puissance de mille Points. - Il passe donc à 3900 ? - Bien joué, Einstein… »
Un souffle retentit et les deux autres monstres de Dan disparurent dans un nuage de poussière, qui alla s'implanter sur la poitrine musclée de l'Ange bleuté, qui mesurait bien cinq mètres de haut, et dont les ailes déployées faisaient presque la dimension de l'Arène.
« J'active ensuite le Typhon d'Espace Mystique pour détruire un de tes Oasis donc un de tes dragons comme ton Dragon Sombre. Ensuite, j'invoque l'Ange Démon – Archer Impardonnable. Et il va attaquer ton autre monstre. Vas-y, ne te gêne pas du tout, dit Warren avec un rictus qui se transformait en rire. »
L'archer décocha une flèche qui fusa en direction du Dragon Armé qui répliqua aussitôt par un lancer de lames acérées. Une autre explosion retentit et lorsque la fumée se dissipa, tout le monde était bouche bée en remarquant que le dragon de Warren avait de nouveau disparu.
« Tu peux m'expliquer… ? - Oh, je crois que j'ai simplement dû omettre de te parler de la faculté de mon Archer. Lorsqu'il combat un monstre avec un Attribut autre que celui des Ténèbres, la cible est automatiquement détruite et tu perds trois cents Points sans rien pouvoir faire. - Mais où est-ce que tu as dégoté un Deck pareil ???? - Ce sont mes petits secrets et tu n'y auras pas accès. - Mais par contre, toi aussi, tu vas perdre des points comme la Défense de mon monstre était supérieure à l'Attaque du tien. - C'est un risque à prendre et je me moque absolument du nombre de Points perdus. »
Warren : 6200 Dan : 2900
« Alors, tu vois, tu as perdu plus de points que moi. Ta situation est un peu plus critique que la mienne et ça m'amuse. - Si tu jubiles à propos de cela, c'est que tu ignores totalement les fondements du Duel, fondements que je vais me faire un plaisir de te rappeler d'une façon sans doute un peu cuisante ! - Et qu'est-ce que ça veut dire ? - J'ai un autre monstre qui n'a pas encore attaqué… - Oh… »
Warren : 2300 Dan : 2900
« Je repose une carte face cachée et je termine mon tour. - Mais qu'est-ce qu'il m'arrive à moi, Warren Fuzenki. Je n'ai jamais perdu le moindre Duel et là, je suis en train de me faire battre par ce type. Allez, une bonne pioche. »
Warren commençait à transpirer. Il avait la main posée sur la carte qu'il était sur le point de piocher et je sentais qu'il angoissait énormément. Dan, lui, était encore plus impassible qu'auparavant. Il donnait clairement l'impression d'un petit vieux qui faisait sa sieste à l'ombre un jour d'été.
« Pas mal…, dit-il en regardant cette carte. Je joue le Pot de Cupidité qui me permet de piocher deux cartes puis le Pot d'Avarice, qui renvoie cinq monstres depuis mon Cimetière à mon Deck, puis je pioche à nouveau deux cartes. - En espérant qu'il joue quelque chose d'intéressant… - Je vais invoquer le Dragon Hiératique de Tefnuit Spécialement depuis ma main comme je n'ai pas de monstres sur mon Terrain. Et puis je vais jouer une carte que tu connais bien… - Le Sanctuaire Démoniaque ? Alors ça sent le sacrifice, dit Dan en regardant la carte jouée par Warren. - Tu as tout compris ! Je vais sacrifier mon Pantin pour un Dragon Pulsar de Lumière. Je vais le recouvrir avec Tefnuit pour faire venir le monstre Xyz Dragon Hiératique Roi d'Atum. J'active son effet pour invoquer un Dragon Masqué en mode Défense mais ce n'est pas tout. - Autre chose qu'Atum ? - Je vais faire appel à un de mes monstres les plus puissants. Pour cela, je vais invoquer le monstre Xyz Hydre Majes-Tueuse ! - Ah ! Enfin une manœuvre intéressante, applaudit Dan. Je commençais à désespérer ! - Et encore, c'est pas fini. Ce n'est que le début de ton cauchemar ! - Mais comment tu fais pour invoquer ton Hydre ? - Je recouvre Atum par mon Hydre. Et j'active son effet : en détachant un Matériel, je peux ajouter n'importe quelle carte de mon Deck à ma main. - Mystère, mystère… Cependant, tu n'auras pas l'occasion de te servir de cette carte… - Cependant, ce monstre ne peut pas attaquer le tour où cet effet est activé. Alors je me contente de poser deux cartes et à toi. J'ai hâte de voir comment tu vas réagir face à cette Hydre Majes-Tueuse. - Je pioche, pose un monstre et active à nouveau l'effet de Roi de l'Apocalypse. Il va gagner cinq cents Points et… - Stop, j'active ma Chaîne Démoniaque qui l'empêcher d'utiliser son effet… - Et je réplique avec ma Zone de Tonnerre. Je n'ai qu'à envoyer deux de mes cartes pour annuler ta carte, la détruire, t'infliger mille Points de Dommages et piocher une carte. J'envoie mon monstre posé et ma carte face cachée pour te compliquer la tâche. »
Ce Duel était plutôt palpitant à suivre. Chaque Duelliste savait se renvoyer coup pour coup les actions adverses. Le public appréciait énormément ce combat et donnait de la voix pour qu'il puisse continuer le plus longtemps possible. Warren commençait à perdre son calme, car il n'avait pas été mis en difficulté depuis un long moment. Il laissa échapper quelques jurons et autres insultes à l'encontre de son adversaire. Dan restait ce monument de marbre qui se contentait de regarder son adversaire jouer et de poser ses cartes. Son côté placide était tel que j'en venais à le trouver mignon. Il ne souriait pas et ne prêtait pas attention au groupe de poules de Terminale qui l'encourageaient en le complimentant et en scandant son nom. Je les trouvais tout à fait pathétiques et stupides…
Warren : 1300 Dan : 2900
« Ensuite, je termine mon tour. Ce duel est terminé. - Oh que oui ! Je vais activer la carte Rétrécissement, qui va réduire la puissance de ton monstre par deux donc à 2200. Puis, je vais activer Mégamorphe qui va doubler celle de mon Hydre pour atteindre 5600. Ma victoire est inéluctable !! Tu peux déjà me passer ton collier ! »
Tout le public se leva comme une seule personne sur cette action. Si elle se déroulait comme 99% des personnes présentes dans l'Arène l'avaient prévue, Warren allait s’adjuger sa deux centième victoire en Duel au lycée et Dan allait apprendre le sens des responsabilités suite à cette défaite. Le Roi de l'Apocalypse allait être détruit par l'Hydre et je ne voulais pas voir ça.
« Maintenant, je vais en finir !!! Hydre Majes-Tueuse, réduis moi ce minus en cendres ! Sextuple crachat de Venin Enflammé ! »
Le monstre chargeait ses jets de venin à destination de sa cible et la clique de Warren s'apprêtait à entrer sur le Terrain pour le porter en triomphe, comme à leur habitude. Sauf que…
« Merci, tu viens de sceller ton sort. - Mon sort ? dit Warren, surpris, tout comme le public. - Le fait d'avoir utilisé ma Zone de Tonnerre m'a permis de piocher LA carte qui me fallait pour achever ce Duel et t'apprendre ainsi le sens du mot défaite, mon cher Warren. - La seule défaite aujourd'hui, c'est la tienne, Dan. Tu ne peux plus rien faire jusqu'à la fin de mon tour et mon monstre va t'anéantir !! »
Dan prit une grande inspiration et révéla une carte, tout en restant assis.
« Depuis ma main, j'active l'effet de Despair – L'Ange Déchue du Crépuscule !! - Qu'est-ce que… qu'est-ce que c'est que ça ??? demanda impatiemment Warren. - En l'envoyant de ma main au Cimetière, je peux détruire ton monstre et tu perds en Points de Vie l'équivalent du double de sa puissance. Et la cerise sur le gâteau : aucune carte ne peut annuler son effet. - TU VEUX DIRE QUE JE VAIS PERDRE 11600 POINTS DE VIE ??? QU'EST-CE QUE C'EST QUE CETTE CARTE ? hurla-t-il. - Oui. Fin du Duel ! Et bienvenue dans ma réalité, Warren Fuzenki ! railla Dan en faisant le signe du pouce baissé, celui de la mise à mort. »
Warren : 0 Dan : 2900
Despair apparut sur le Terrain, dans un puissant éclat de lumière blanche, qui aveugla la majeure partie des personnes présentes. Armée d'une lance, elle lança un puissant rayon de lumière qui transperça le monstre de Warren de part en part, avant de provoquer une autre explosion. La dernière image que je retins avant cette explosion, ce fut le visage de Warren, frappé par le sceau de la terreur, un peu comme lorsque l'on trouverait un cadavre de manière totalement inopinée. Une fois les derniers Points de Vie de Warren envolés, ce dernier était allongé, tandis que Dan était inévitablement bien calé dans sa chaise, toujours de marbre. Les spectateurs mirent quelques minutes avant de réaliser ce qui venait de se passer et des salves d'applaudissements descendirent des tribunes, pour féliciter le Duel livré aujourd'hui. Dan semblait totalement s'en moquer et regarda attentivement son Disque de Duel. La clique de Warren, elle, s'éloigna du Terrain de Duel et sembla abandonner le vaincu du jour. Pour ma part, je courus sauter au cou de Dan, accompagnée de Nejma et de Veneko.
« Tu vois, ce Deck est super !! dis-je pour le féliciter. - Tu avais raison Mina, je suis capable de maîtriser ce Deck. - Tu y as vraiment passé toute la nuit à travailler dessus ? - Oui. Au fait, Warren va bien ? - Je sais pas. Pourquoi ? - Je t'expliquerai. »
Dan se dirigea vers Warren, toujours étendu sur le sol, bras en croix. Il s'assit près de lui au moment où l'Arène se vida. Il finit par se relever après quelques minutes passées à regarder dans le vide et posa une main sur son front.
« Qu'est-ce que tu fiches ici ? Tu es venu me ridiculiser devant tout le monde ? - Y a plus personne dans la salle, dit Dan. Au fait, c'était un beau Duel. - J'ai été mauvais. J'ai tout perdu et tout le monde pense que je suis un raté. - Pff… Tu t'en moques, de ce que les gens pensent. T'as plutôt bien joué, c'est le principal. - Arrête. J'ai pas su me défendre correctement contre ton Deck. J'ai été minable d'un bout à l'autre de ce Duel. Et comme c'était la première fois qu'on te voyait combattre ici, tout le monde va penser et dire que je ne suis pas capable de battre un novice. - Non, tu t'es vachement bien défendu et ton Deck est vraiment sympa. Tu sais, t'es un très bon duelliste Warren. - Tu… tu es sérieux ? »
J'hallucinai. Alors qu'ils ne pouvaient pas du tout se blairer, Dan et Warren échangeaient des paroles sans la moindre insulte ni menace. Et Dan venait de faire un compliment à son adversaire du jour. Même Warren n'en revenait pas.
« Pourquoi tu me dis ça ? Tu ne le penses pas, j'en suis sûr… - Si je ne le pensais pas, je ne l'aurais pas dit… Tu sais te battre, faut le reconnaître. - Euh… eh bien… merci, enfin je crois ? - J'ai envie de remettre ça un de ces quatre… - Tu… tu es sérieux ? Tu… m'accordes une… une revanche, bégayait-il. - C'est toujours sympa de se battre en Duel. Et oui, je te propose un match retour d'ici peu. - J'ai… une drôle de sensation, murmura Warren. Je… je me sens un peu mal… - Ah ? Toi aussi ? - De quoi ? - J'ai eu une sorte de haut-le-cœur lors de mon dernier tour. - Qu'est-ce que… ça veut dire ? demandait Warren. - Vous aussi, vous avez ressenti cette sensation ? demanda Nejma. - Comment ? s'étonna Dan. - Et qu'est-ce que c'était à votre avis ? - Qu'est-ce que j'en avais à faire ? J'étais trop occupé à me concentrer sur le jeu. »
Personne ne trouva de réponse alors qu'un énième jet de lumière, semblable à celui que Dan et moi avions eu le loisir d'observer la veille, survint au beau milieu de l'Arène déserte. Il émana du Disque de Duel de Dan avant de nous absorber, lui, Warren, Nejma, Veneko et moi-même. Si c'était bien ce que je pensais, nous allions finir dans un autre endroit… mais où ?
|
| | | honest
Messages : 2044 Points : 2067 Réputation : 3 Date d'inscription : 03/01/2015 Age : 25 Localisation : Stairway to heaven
| Sujet: Re: Le Démon d'un Autre Monde - version réécrite Mer 6 Nov - 11:57 | |
| Chapitre 4 - Explications...- Spoiler:
Encore cette lumière blanche éclatante ! “ Deux fois en vingt-quatre heures ! C'est pas possible ?!”, pensai-je, éblouie. Moins de deux minutes plus tard, la lumière finit par s'atténuer avant de disparaître. J'arrivai à peine à ouvrir les paupières pour observer l'endroit dans lequel nous nous trouvions. Cela dit, je n'étais pas seule. Dan et Warren étaient également en train de se plaindre de cet éclat aveuglant, tout comme les voix de Nejma et de Veneko derrière moi. J'avais complètement oublié qu'ils m'avaient suivie juste après le Duel. J'en venais à me demander s'ils m'avaient pris pour leur amie. Et, le temps que tout le monde parvienne à retrouver leurs esprits, je réussis péniblement à me lever avant de pleinement pouvoir découvrir ce mystérieux endroit. J'avais l'intime conviction d'avoir déjà visité cet endroit peu de temps auparavant. C'était une grande salle ancienne, à en juger les fissures qui zigzaguaient sur les murs. Elle était plongée dans l'obscurité mais il y avait une certaine lumière phosphorescente qui émanait des différentes portes présentes. Il y en avait tellement que je n'arrivais pas à les compter. Alors que j'aidai Nejma et Veneko à se relever, je distinguai Dan en train de balayer cet endroit du regard, et Warren qui n'avait pas l'air d'être totalement confiant, au point de lui asséner un regard noir. Dan fit ensuite quelques pas, en direction d'une des portes. Il y avait là des espèces d'écriteau sur chacune d'entre elles et, petit à petit, nous nous mîmes à les examiner avec un regard mêlant curiosité et incompréhension. Incompréhension parce qu'elles étaient rédigées avec des caractères totalement inédits. C'était comme des hiéroglyphes mais en beaucoup plus bizarre. « Qu'est-ce que c'est que ça ? dis-je. - Aucune idée, répondit Warren, qui cherchait une sortie. - Cet endroit me fait peur…, dit Nejma en étant collée à son frère. - Où est-ce qu'on est ? demanda justement ce dernier. - Nous sommes quelque part en Endlenda, répondit Dan, toujours scotché à l'écriteau devant lui. Dans une salle sacrée appelée “Éclaircissement des Esprits”, pour être précis. - Attends ? Tu… tu arrives à lire ces choses ? demanda Warren, un peu sarcastique. - Bien sûr. - C'est quoi l'Endlenda ? demanda Veneko. - C'est un monde dimensionnel parallèle au vôtre, déclara une voix de jeune femme. » Tout le monde se retourna et chercha d'où pouvait bien venir cette voix. On aurait pu croire qu'elle provenait d'un haut-parleur mais non. De plus, elle me semblait familière, comme si je l'avais déjà entendue quelques temps auparavant. « Oh ! Vous ne me voyez pas, c'est vrai… C'est très malpoli de ma part, dit à nouveau la voix. Pardonnez-moi. » Quelques secondes plus tard, une des portes s'ouvrit et deux silhouettes apparurent sur le pas de celle-ci, éclairés par une vive lumière blanche. Au fur et à mesure qu'ils avancèrent, nous pûmes distinguer très clairement ces deux personnes. L'une d'entre elles était une jeune femme aux longs cheveux aux reflets albes, portant une robe noire en partie déchirée, ainsi qu'une grande lance. Je me souvenais de l'avoir déjà vue mais son nom me restait sur le bout de la langue. Je focalisai ensuite mon attention sur la personne qui l'accompagnait, et qui devait faire au moins deux têtes de plus qu'elle. J'arrivais à discerner trois paires d'ailes rétractées qui scintillaient avant de disparaître comme par magie. Il portait une espèce d'armure métallique plutôt légère, en grande partie cachée par un somptueux manteau de tissu rouge, orné de fines broderies à faire pâlir les tapis perses. Il avait une longue chevelure blonde et un visage si pâle qu'exposé à la lumière, il serait transparent. De beaux yeux bleus comme des petits saphirs luisaient dans la quasi-obscurité de la salle, et qui semblaient nous examiner très attentivement. La jeune femme prit ensuite la parole tandis que la perche massive derrière elle croisa les bras. Ils prirent le temps de saluer Dan, qui le leur rendit d'une manière bien noble et courtoise. Elle me salua également, ce qui me fit frissonner, étant donné que je ne me souvins pas de son nom. « Je suis enchantée de vous revoir, Dan, Mina, dit-elle. - Le plaisir est pour moi, Kaly, dit Dan. - Euh… pour moi aussi, bégayai-je. » J'avais l'air un peu cruche sur le coup. Kaly ! Ce nom si simple me revint tout à coup. Je lui rendis son salut et elle me sourit aimablement. Quant à Warren, Nejma et Veneko, ils étaient totalement silencieux et cherchaient très certainement des explications à tout cela. « Ma question peut paraître totalement absurde mais… que faisons-nous ici, tous les cinq ? demanda Dan. - C'est là que j'interviens, répondit l'individu derrière Kaly en avançant. - Et… à qui avons-nous l'honneur ? - Laissez-moi me présenter. Je suis Elhahr, quarante-et-unième Seigneur du Palais de l'Endlenda, membre du Grand Conseil des Sages et Chef Suprême des Elfes d'Endlenda. Ça, c'est pour mes principaux titres mais j'en ai toute une liste, liste qui, si jamais je vous en donnerais le détail, prendrait au moins quatre semaines et demi sans interruption… » Je le trouvai incroyablement lunatique dans sa façon de parler. Il passait d'une phrase à l'autre avec un tel changement de ton dans la voix, comme s'il semblait dérangé par quelque chose. Je jetai un discret coup d’œil aux autres et tous semblaient un brin curieux devant un tel personnage, à part Warren, qui avait déjà décidé de ne pas écouter, et de soupirer. « Et, Dan, je suis également connu dans ton jeu sous le nom d'Ange Démon – Roi Lumineux. Actuellement, vous vous trouvez dans cette salle appelée “Éclaircissement des Esprits”, dans l'un des sous-sols du très noble Palais d'Endlenda. Pour être tout à fait honnête, j'ai demandé à Kaly de vous amener ici. Je vais vous expliquer pourquoi. » Il claqua des doigts, ce qui fit apparaître des espèces de mini-piliers rembourrés qui servirent de tabourets. Tout le monde prit place et se mit à écouter le récit de l'Elfe : “ L'Endlenda est un monde qui vit dans la paix et la prospérité depuis des siècles et des siècles. Notre monde repose avant tout sur l'harmonie parfaite entre chaque créature. Pourtant, il n'en a pas toujours été ainsi. À de nombreuses reprises, une lutte sans merci s'étendit aux quatre coins de notre monde, mettant aux prises les forces du Bien et celles du Mal. À chaque fois, l'Endlenda fut le théâtre d'un conflit des plus violents, où l'objectif était de tuer l'ennemi en face. Les forces du Mal sont composées de toutes sortes de créatures à la solde des Démons, qui sont des Elfes dont le cœur et l'âme a été définitivement corrompue par des puissances maléfiques qui ne cherchent qu'à répandre un chaos total dans le monde et au-delà.
Ces guerres furent nombreuses en Endlenda et la dernière remonte à plus d'un millénaire. À cette époque, je venais d'accéder au titre de Seigneur du Palais après la mort de mon père, le précédent titulaire du poste. Sa mort fut l'origine de cette énième guerre entre le Bien et le Mal. Et à la tête des Forces Obscures se trouvait un Elfe qui répondait autrefois au nom d'Aïr. C'était un Elfe d'une très grande puissance magique et d'une sagesse sans doute inégalable. Il était très respecté au sein des Elfes et du Conseil des Sages… même si un jour, tout a basculé chez lui. C'était après une de ses nombreuses expéditions à l'Est, où il avait été mandaté pour mettre fin à des séries de pillages de gobelins dans un village. Aïr avait senti une puissance maléfique émaner non loin de ce village et avait fini par se rendre dans les Maudites Montagnes de l'Est, dans le pays d'Ostiàr. C'était là que les principales forteresses des Chefs Obscurs se trouvaient. Ces Chefs avaient été vaincus, leurs corps détruits et leurs âmes scellées dans des caveaux magiques inviolables par les Elfes Sacrés – les premiers Elfes ayant occupés la Terre d'Endlenda – lors du Combat Titanesque du Premier Kephòr, qui correspond à peu près à cent trente mille années avant votre ère.” Il s'interrompit pour se racler la gorge. Sa dernière phrase à propos de l'époque où ce conflit a eu lieu fit s'écarquiller nos yeux. Un peuple qui subsiste depuis cent mille ans, même un paléontologue n'en croirait pas ses yeux. En tout cas, je devais dire que tout était extrêmement passionnant à écouter. Elhahr parlait avec une telle aisance que chaque mot hypnotisait son auditoire. Il pourrait même écrire un livre sur tout ce qu'il nous racontait. Dan buvait ses paroles avec une grande attention, tout comme Kaly, alors que Warren se nettoyait les oreilles de façon peu discrète. Elhahr ne semblait pas le remarquer et continua son récit : “ Par un moyen que je n'arrive toujours pas à m'expliquer, Aïr a réussi à retrouver ces cercueils enchantés, qui étaient pourtant scellés dans la pierre, dans des tombeaux creusés si profondément au cœur même des montagnes, que même la lumière de l'astre du jour ne pourrait même pas éclairer. Aïr en revint complètement métamorphosé, lui et trois Elfes qui l'avaient accompagné. Et un jour, il commit l'irréparable en assassinant le Seigneur du Palais de l'époque, mon père, Trishin. Aïr fut alors chassé du Palais, lui et ses adeptes. En plus de cela, il avait commis une série de crimes d'honneur à l'égard des Elfes Sacrés, ce qui lui valut d'être condamné à la désincarnation par le Conseil des Sages si jamais nous lui mettions la main dessus. Aïr changea de nom pour adopter celui de Nephomet, le Maître des Ténèbres. Il leva une armée obscure impressionnante avec laquelle il voulait marcher sur l'Endlenda et réduire notre peuple à néant, déclenchant une nouvelle guerre entre les Forces du Bien et du Mal, il y a un millier d'années. Cette sombre armée, avec ces quatre Démons à sa tête, prenait petit à petit le pas sur les troupes que je commandais.” Tout à coup, son récit fut chargé d'une grosse pointe d'émotion non contrôlée. On pouvait sentir dans son propos l'évocation de souvenirs tout à fait douloureux. Il ne cherchait pas à omettre le moindre détail dans la description des multiples conflits, quitte à être totalement cru dans ses descriptions des corps réduits en cendre par des sorts magiques ou encore les incendies dans les villages aux alentours. Elhahr se leva et fit les cent pas, les mains derrière le dos. “ Cette guerre durait depuis au moins cent soixante-deux ans et je sentais que mon peuple commençait à faiblir de plus en plus. Les rangs de nos ennemis grossissaient au fur et à mesure que les batailles amenuisaient les nôtres. Par miracle, j'échappai à une tentative de putsch mené par des traîtres qui furent aussitôt exécutés. Mes proches périssaient ou étaient atrocement mutilés par les Démons et je décidai alors d'organiser une offensive de la dernière chance avec les forces qui nous restaient. Évidemment, nous étions au plus mal et je me démenais comme un beau diable au milieu du champ de bataille, autour de mes camarades. Je sentais le toucher glacé de la Mort planer au-dessus de moi lorsque tout à coup… je la vis… cette petite lueur du jour, en train de transpercer l'océan de brume fuligineuse qui obscurcissait le ciel d'Endlenda ! Je me souviens de cette journée comme si elle s'était déroulée hier. Quelques Elfes se trouvaient autour de moi, dont la Grande Prêtresse du Palais, qui était également la Commandante en second, puis plus tard, mon épouse. Nous étions encerclés par une compagnie ennemie lorsque nous les vîmes resplendir dans le ciel… les Quatre Aces !” « Qu'est-ce que les Quatre Aces ? demanda Dan. - Il s'agit d'Êtres magiques aux immenses pouvoirs, répondit Elhahr. Une prophétie très ancienne avait annoncé leur arrivée. Kaly, le parchemin, s'il te plaît. » Elle sortit un vieux rouleau du sac qu'elle tenait, et que je n'avais pas remarqué. C'était un vieux bout de papier enroulé décrépi mais qui était toujours en un seul morceau. Elle le tendit à Elhahr : « Vous lisez l'elfique ancien bien mieux que moi. - Ah oui, c'est vrai, dit-il en dépliant le morceau de papier. Alors… cette prophétie nous énonçait ceci. “Lorsque les Ténèbres dévasteront l'Endlenda, Lorsque des nuages de la couleur de la nuit recouvriront la terre, Lorsque l'Astre Solaire sera teinté d'obscurité, Le tonnerre grondera cinq fois et résonnera dans le monde. Le ciel sera déchiré par une lumière blanche. Quatre guerriers descendront du ciel et mettront fin au règne despotique des Ténèbres. Quatre guerriers affronteront les Seigneurs Démoniaques, pour en ressortir vainqueur et sauver l'équilibre du monde.” - Et vous dites que ces Quatre Aces sont ceux qui ont sauvé les Elfes pendant cette guerre ? demanda Dan. - Absolument ! Lors de cette journée-là, je les ai vus descendre du ciel et annihiler les Forces Obscures, Nephomet et ses disciples. Le Seigneur du Mal a été vaincu et son âme désincarnée, scellée dans un caveau. Le monde était sauvé… du moins, c'est ce que je croyais. - Que s'est-il passé ? dis-je. - Eh bien, dit Kaly, nous avons ressenti d'étranges sensations ces derniers temps. L'Endlenda n'est plus aussi sûr, du moins pour certaines parties. J'ai observé d'étranges phénomènes dans les montagnes de l'Est et je soupçonne… ou du moins, le Seigneur Elhahr y soupçonne des présences malfaisantes. - Et vous n'avez pas été vérifier par vous-même ? demanda Nejma. - Seul le Conseil des Sages peut autoriser une expédition dans ces montagnes, dit Kaly. - Même moi, en tant que Seigneur du Palais, ne peut pas décréter l'envoi de soldats dans cette région. - Et vous pensez que ces Démons ont trouvé un moyen de fuir avant la fin de ce conflit pour trouver refuge ailleurs ? questionna Dan. - À vrai dire, c'est très probable, voire sûr, reprit Elhahr. Je n'ai aucune idée de ce qui se trame dans ces satanées montagnes mais l'idée qu'un ou plusieurs Démons s'y terre depuis des siècles n'est que très peu contestable. De toute façon, s'il s'agit des trois Démons seuls, ils ne pourront pas tenter quelque chose étant donné qu'ils n'obéissent qu'à leur maître… heureusement qu'il est scellé à jamais et que son cercueil est bien caché. - Et vous ne croyez pas que vous avez pu vous tromper ? demanda Warren, qui interrompit son silence, d'habitude si anormal. Toute cette histoire de Démons n'est qu'une vaste blague, un tissu de farces que l'on raconterait à des enfants le soir. Personnellement, vous me saoulez depuis un bon quart d'heures avec vos manières de dandy endimanché absolument peu convaincant. Maintenant, j'aimerais bien retourner chez moi, afin de passer à autre chose. » Il était vrai que, depuis que je le regardais, Warren avait une attitude qui lui seyait tellement lorsque l'on connaissait le personnage. Toujours le regard dans une autre direction, toujours à soupirer plus ou moins discrètement, toujours à manifester son mécontentement d'une manière bien à lui… Même si le récit d'Elhahr était purement captivant, malgré les horreurs qu'il avait relaté, j'observais tout de même les autres lycéens autour de moi. Là, la remarque de Warren eut pour première conséquence de lui valoir un regard atrocement noir de la part de Kaly et d'Elhahr, sauf que ce dernier n'était pas aussi assassin que l'Elfe aux cheveux argentés. Il avait les bras croisés et se contentait juste de dévisager l'impertinent qui venait de le contester. Mes yeux allaient et venaient furtivement entre l'inconscience de Warren et la sérénité d'Elhahr, dont les paupières se dilatèrent un peu plus, avant… que ses iris ne passent du bleu saphir à un jaune ambre. « Puis-je te demander de… répéter ce que tu viens de dire ? demanda Elhahr, son ton de voix ayant basculé vers une tonalité bien plus grave. Il me semble ne pas avoir entendu très clairement l'ensemble de tes propos ? - Je dis que vous avez sans doute dû vous tromper sur le fait que ce prétendu Maître des Ténèbres est bien là où vous l'avez laissé et que ces soi-disant Démons l'auraient retrouvé. Et que votre histoire me fait grave chier, espèce de fou aliéné, répliqua sèchement Warren, sans se démonter et très logiquement sans penser aux conséquences de ses propos. - Donc tu viens de me contredire et de m'insulter… Je te garantis que je ne vais pas laisser ça impuni, répondit Elhahr, toujours aussi calme mais un brin nerveux. » Là, ce qui se passa sous mes yeux relevait de l'irréel. Je sentais tous mes membres bloqués dans leur position à l'instant précis où Elhahr termina sa phrase. Mais je n'étais pas la seule. Dan et les jumeaux étaient également dans la même situation. Kaly, elle, était libre de ses mouvements et s'était levée, rangeant le parchemin dans son sac. Concernant le Seigneur Elhahr, il n'était plus sur son espèce de siège en pierre. Il avait réussi à se placer juste derrière Warren, qui était également figé sur place. Warren était dans mon champ de vision avant que tout cela ne survienne mais j'aurais bien aimé que l'on m'expliquât comment Elhahr était en mesure de se déplacer à une vitesse aussi phénoménale. Le regard d'Elhahr n'avait plus rien d'amical et, d'un simple mouvement de main, fit se mouvoir Warren comme s'il jouait le rôle d'un marionnettiste. Il nous regarda tout en faisant bouger la main du lycéen rebelle et nous dit : « Veuillez m'excuser pour cette petite saute d'humeur, chers humains, mais il se trouve que votre ami a commis, volontairement ou involontairement, nous en discuterons plus tard, un crime d'honneur envers un très haut membre du Conseil des Sages d'Endlenda. En temps normal, autrement dit, s'il avait été un Elfe, il aurait certainement mérité une exécution lente et douloureuse… » Je sus que Warren était capable d'entendre ce que disait l'Elfe derrière lui, et je pouvais sentir la peur couler de ses pores. C'était bien la première fois que cela arrivait. Dan, lui, était dos à la scène et ne pouvait sans doute pas se délecter de ce spectacle. Pourtant, je ne comprenais pas pourquoi nous étions également soumis à ce que je jugeais être un sort d'emprisonnement. Kaly nous regardait avec bienveillance tandis que l'autre Elfe décida de conduire Warren en direction d'une des portes. Il termina toutefois son petit speech avant de revenir s'occuper de son… nouvel ami : « Cependant… comme il provient d'un autre monde et d'une autre espèce, les conditions de jugement seront un brin différentes. Il sera châtié, je vous l'assure… mais il pourrait sans doute s'avérer que son châtiment puisse être bénéfique d'une façon ou d'une autre. Sur ce, je vous laisse entre les mains de Kaly… Et… désolé pour ce sort de gel, mais je voulais m'assurer que vous ne soyez pas tenté de venir en aide à votre camarade. » Elhahr se tint ensuite devant la porte où Warren était toujours figé. Je l'entendis clairement prononcer quelques mots, dans une langue que je supposais être de l'elfique, ce qui me semblait logique étant donné l'endroit dans lequel nous nous trouvions. Cela eut pour effet de faire s'ouvrir cette porte, porte qui donnait sur quelque chose de ténébreux, que mes yeux ne parvenaient pas à discerner. Il claqua ensuite des doigts et Warren parvint à retrouver une totale motricité. Il manqua d'en tomber avant de se relever et de regarder tout autour de lui, la respiration haletante. Tout ce qu'il pouvait voir, c'était un Elfe aux yeux ambrés le fusillant allègrement du regard. « Qu'est-ce… Qu'est-ce que… je fiche ici ? bégayait Warren, perdu. Vous me… vous me voulez quoi à la fin ? - J'aimerais que tu entres dans cette salle, sans dire un mot, répondit le séraphin. - Mais… pourquoi ? Et… que me voulez-vous ? - Tu le sauras une fois rentré. - Et… si je refuse ? - Tu n'es pas spécialement en position de refuser quoi que ce soit. Et si tu persistes à râler et à manifester ton désaccord, je me verrai contraint d'user de méthodes peu licites pour plier ta volonté. - Vous… n'oserez pas poser la main sur moi ! - Oh ? Tu veux parier ? » Sur ce, j'arrivai à distinguer Warren qui cherchait à se défendre, en voulant notamment expédier son poing droit vers la tempe d'Elhahr. Toutefois… avant que ce dernier ne parte, l'Elfe l'avait déjà bloqué. En toute logique, le lycéen chercha à se servir de sa gauche – qui, une fois, fit sortir sauter deux dents du prof de maths, valant à Warren une petite exclusion de trois mois –. Or, dans cette situation, le poing gauche subit le même sort que son comparse de droite, à savoir un nouveau sortilège de gel. Dans l'incapacité de réaliser le moindre geste, Warren ne pouvait qu'être stupéfait, horriblement choqué et se sentir à la merci totale de son adversaire. Il lui vint cependant l'idée de se servir de ses jambes, qui étaient toujours libres, mais cette réflexion était certainement inutile dans cette situation. Il écarquilla les yeux lorsqu'il se rendit compte qu'Elhahr eut reculé de deux pas pour asséner un violent coup de pied circulaire qui percuta Warren au niveau du torse. Cela le projeta en arrière, dans la salle obscure, dans un bruit sourd. Elhahr s'engouffra ensuite dans cette salle en refermant la porte derrière lui. Cela eut également pour effet de nous rendre notre liberté de se mouvoir, avant de tous nous rendre contre cette porte solidement refermée. « S'il vous plaît ! interrompit Kaly. Ne tentez pas quelque chose de futile sur cette porte. Elle ne peut s'ouvrir qu'avec une incantation en elfique ancien, et seul Elhahr est capable de le faire. De plus, vous ne pourrez pas sauver votre ami dans l'immédiat. - Ce n'est pas spécialement notre ami, dis-je. Mais que va-t-il lui arriver ? Elhahr va procéder à un jugement pour le purger de cette offense envers notre peuple. Dans votre monde, on pratiquait ce genre de chose sous le nom d'ordalie. - Une… ordalie ? répéta Dan. Ne me dites pas que c'est aussi cruel qu'à l'époque ? - Oh, c'est juste le nom que nous avons conservé. Warren va devoir passer plusieurs épreuves qui vont déterminer son destin. S'il les passe toutes, il vivra. Dans le cas contraire… - … il mourra ? demanda Nejma. - J'en ai bien peur, répondit Veneko. Et vous connaissez ces épreuves, Kaly ? - Nul ne le sait, excepté Elhahr. Je partage votre ignorance. - J'espère juste qu'il va s'en sortir…, me chuchota Dan. » Ce fut à ce moment que nous décidions d'attendre le retour de Warren et d'Elhahr, en compagnie de Kaly, qui nous posa tout un tas de question sur notre monde, car cela suscitait sa curiosité. Veneko, lui, s'évertuait à essayer d'écouter à la porte pour avoir une idée de ce qui pouvait se tramer derrière ce bloc de granit taillé. Dan répondait aux questions de Kaly en compagnie de Nejma. Moi, je restai silencieuse, examinant attentivement cet endroit. Pendant ce temps-là, Warren se releva difficilement. Le coup reçu avant sans doute dû comprimer sa trachée et retrouver sa respiration était bien compliqué. Son torse était endolori et un peu de sang coulait de son front suite à sa violente chute. Lorsqu'il fut en mesure de se tenir debout, il chercha à savoir où il se trouvait. Cela devait sans doute être une salle, ou bien un couloir, ou même un vestibule… Le fait que ce soit plongé dans l'obscurité la plus totale était le frein évident à cette connaissance de l'environnement. Il s'accroupit et se mit à tâter dans le vide, comme lorsque l'on cherche à se repérer dans la nuit pour aller aux toilettes. Il laissa échapper quelques demandes d'aide mais se doutait bien qu'il n'y avait qu'une seule autre personne en sa compagnie, et chercha de fait sa présence. Et d'ailleurs, en parlant du loup, Elhahr se tenait derrière lui, bras croisés, yeux toujours ambrés et rouges de colère. Warren avait de suite perçu ce regard assassin qui lui était asséné. Un violence silence assourdissant prit place de l'autre côté de cette porte, silence qui finit par être rompu au bout de quelques longues minutes : « Où êtes-vous, Elhahr ? demanda Warren, un peu désemparé. Pourquoi est-ce que vous me faites subir ça ? - Tu plaisantes ? ironisa Elhahr en claquant des doigts, ce qui fit apparaître une petite sphère de lumière assez intense pour éclairer le couloir. On n'a même pas commencé l'ordalie et tu es déjà à bout ? Phénoménal… - Mais qu'est-ce que vous me voulez à la fin ?? Dites-le moi !! dit-il en commençant à s'énerver, une fois debout. - Je te l'ai dit et je te le répète : je vais juger ton crime, et te soumettre à un châtiment qui mettrait ta vie en jeu. Autrement dit, c'est un simple test pour voir si tu es digne de vivre. - Un… un test ? - Oui, dit Elhahr d'un ton glacial. - Si ma vie doit être en jeu, pourquoi c'est simple ? - Tu verras par toi-même. - Pourquoi voulez-vous me tester ? - Version longue et complète ou simple et rapide ? - Au hasard, la raison simple et rapide. - Il n'y en a pas. Si je dois tout t'expliquer, ce qui est arrivé et ce qui va t'arriver, on n'en aura pas fini avant la semaine prochaine, surtout si tu t'évertues à l'ouvrir pour ne rien dire d'intéressant. - Je présume que je suis obligé de vous écouter ? - En effet, tu n'as qu'à te taire. Si jamais tu essayes quoi que ce soit, je réitère mon simple petit coup de pied amical mais de façon à te faire inculquer le respect. Alors ? - Ben puisque j'ai pas le choix… - Bien, dit-il en prenant une grande inspiration. Comme tu le sais, je suis un Elfe doté de pouvoirs magiques inimaginables pour un humain tel que toi. Et une faculté parmi cette pléiade de pouvoirs est de pouvoir lire l'esprit d'une personne lorsque j'en ressens l'envie. Lorsque j'ai raconté mon histoire, j'avais un œil constamment braqué sur ta personne. Il t'a observé et il faudrait être mort pour ne pas se rendre compte que tu avais l'air de te moquer de tout ce que j'ai pu déblatérer. - Question perspicacité, on se place ça…, pensa Warren. - En effet, ça se place là, affirma Elhahr, ce qui fit sursauter Warren. Tu sais, Warren, je sais pas mal de choses à ton sujet. J'ai pu suivre ta vie depuis des années et j'y ai vu des choses qui se sont produites et que tu sembles amèrement regretter. J'ai même la possibilité, et surtout par l'intermédiaire de Kaly, d'entrevoir des événements qui ne se sont pas encore passés et que, je suppose, tu aimerais connaître. Je sais des choses sur toi que toi-même ignore, Warren Fuzenki. - De… De quoi ? Qu'est-ce que vous avez vu ? demanda subitement Warren, à la fois curieux et inquiet. - Ah, là, j'ai ton attention ! jubila l'Elfe. Comme quoi, il suffit de stimuler le pathétique ego des gens pour qu'ils vous écoutent aveuglément. - Je veux juste savoir ce que vous savez sur moi, si c'est nécessaire de sortir d'ici… - Question égocentrisme, on se place là. - Hé ho ! Je ne vous permets pas… quoi que… non, je n'ai rien dit. - Laisse-moi transformer mes paroles en actes. » Après la teinte ambre, cette fois-ci, les iris d'Elhahr prirent une coloration améthyste et cela semblait perturber inhabituellement Warren, qui se sentit plutôt mal. Les yeux de l'Elfe était l'équivalent d'un morceau de viande décomposée pour des mouches. Il s'y sentait inexorablement attiré et toute pensée sur la compréhension de ce qui se passait, de sortir de cet endroit s'envolait. Elhahr était en train de s'infiltrer dans son esprit et fit dérouler le film de la vie de son jeune interlocuteur : “ Je vois…” ; “ Une enfance compliquée, un père désastreux… et… un visage qui me procure une sensation inhabituelle…” ; “ Un comportement lamentable… dénué de respect, d'honneur, d'intégrité…” ; “ des qualités plutôt stupéfiantes mais un talent gâché par une volonté menant à un chemin pavé d'épines et de ronces” ; “ Une défaite et un doute total… contre Dan ? Oh, intéressant !” ; “ Intéressant, très intéressant tout ça… Un désir de faire ses preuves” ; “ Une volonté de changer ? Est-ce la vérité ?” ; “ En est-il digne et capable ?” ; “ Après tout, nous allons le mettre à l'épreuve pour vérifier cette hypothèse…”. “ Mais qu'est-ce qu'il peut bien imaginer ?”, pensa Warren tandis qu'Elhahr prononçait le contenu de ce qu'il lisait à voix haute, et faisant parfois trembler son cobaye. Incapable de bouger, il s'essayait alors vainement à émettre différentes conjectures sur ce que Elhahr lui réservait et sur le sens de ses propos concernant la vie ou sa mort. Il n'était plus question d'un jeu étant donné le ton sérieux d'Elhahr, dont les yeux reprirent leur couleur bleue pâle deux minutes plus tard. « Alors ? - Alors quoi ? Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Que tu hais ton père à cause de l'enfer qu'il t'a fait vivre ? Il y a quelque chose en lui qui me rappelle très vaguement quelqu'un… sans doute une fausse idée. Tu as perdu un Duel contre Dan aujourd'hui. - Si c'est pour déballer ce genre d'information, ce n'était pas la peine de lire ce que j'ai en tête. Mais vous savez ce que sont les Duels ? Ce monde n'est-il pas censé être séparé du nôtre ? - Ce n'est pas la première fois que j'ouvre un portail menant à votre monde… Je suis un Elfe âgé de plus de deux mille ans et… j'ai appris à voyager d'un monde à l'autre. J'ai vu tellement de choses que je pourrais en faire une encyclopédie volumineuse. Et je sais ce que sont les Duels… étant donné que l'élite de mon peuple a constitué le Deck de ton ami Dan. - Ce n'est pas mon ami. - C'est vrai que vos relations ne sont pas au beau fixe mais je suis sûr que ce que j'ai vu à l'intérieur de ton âme et dans ton avenir vous mènera à ne plus vous considérer mutuellement comme des rivaux mais des alliés. Et en l'occurrence, il a cherché à te mettre sur la bonne voie. - Mais qu'est-ce que vous essayez de me dire ? pesta Warren, énervé. - Votre Duel… tu ne pouvais pas le gagner, peu importe ta stratégie, peu importe tes cartes. Dan avait une confiance absolue en ses capacités et ses cartes le lui ont rendu. - C'est le baratin habituel. Je ne vais quand même pas me mettre à penser que les cartes ont un cœur et que bien les traiter équivaut à gagner en permanence. - Oui, j'en conviens et je trouve ce truc tout à fait mielleux… mais tu dois avouer que ta façon de livrer ce Duel ne t'aurait pas fait gagner pour autant. - J'ai la sensation d'avoir été humilié dans ce Duel. - Et pourquoi cela ? » Warren se rendait compte que son agacement se dissipait petit à petit. Il avait l'impression soudaine de se retrouver face à un psychologue qui chercherait à lui faire avouer le mal qui le ronge. Cela le rendait un peu hésitant à parler mais d'un autre côté… il se doutait qu'Elhahr pourrait aisément lui délier la langue, donc autant jouer son jeu. « J'espérais plus que tout gagner ce combat et asseoir ma domination sur le lycée. J'étais persuadé que je pouvais plier ça en deux temps trois mouvements. Le public était derrière moi… - Le public était derrière toi dis-tu ? C'est ce que tu penses vraiment ? - Oui, je…, commença Warren avant de s'arrêter. Il y avait une forte ambiance pendant le Duel… mais à la fin, quand Dan a gagné, c'était plus intense… Est-ce que ça veut dire que… ?- Que tu n'étais pas le favori de la foule. - Mes amis étaient derrière moi, ça, j'en suis sûr. - Vraiment ? Quels amis ? Les individus qui te suivaient comme leur ombre ? - Ceux-là. - En temps normal, dis-moi si je me trompe, lorsqu'une amitié est réelle, si quelqu'un est défait lors d'un combat, ses proches viennent le réconforter. Après, je suis peut-être un peu vieux jeu… - Qu'est-ce que vous voulez dire ? - Ce que je veux dire, c'est que le fait d'avoir agi en tant qu'être mauvais les ont encouragé à te rendre encore plus mauvais, afin de les conforter dans une situation où ils ne seraient pas considérés comme des victimes. Ils n'ont fait qu'alourdir ton esprit par ce voile ténébreux. Et si tu ne comprends pas ce que j'essaye de te dire, je vais résumer ça de façon succincte : ils se sont servis de toi. - Mon esprit ? Obscurci ? Servis de moi ? répéta Warren. C'est quoi ces conneries ? - Tu vois ?? Il l'est toujours !! affirma Elhahr en pointant le torse de son interlocuteur. Ce voile obstrue tes pensées et cela fait de toi un individu égaré du chemin sur lequel il était prédestiné. - Mais de quoi vous parlez, nom de dieu ? VOUS ALLEZ ME LE DIRE ?? - Pour moi, tu en fais partie, mais tu ne le sais pas encore. - Partie de quoi ? - Des Quatre Aces. - Oh mais ce n'est pas possible, soupira Warren, exaspéré. Vous n'allez pas vous y remettre… - Ma parole est dénuée de mensonges. Même si ce n'est à l'heure actuelle qu'une simple hypothèse, tu en es un. - C'est une blague ? répéta Warren une énième fois. Je croyais qu'ils étaient venus il y a des piges… Ils ne sont pas censés être morts depuis ? - Oui mais vois-tu, les esprits des Quatre Aces originaux ont été séparés de leur corps à leur mort. Ils ont erré par delà l'espace, le temps et les dimensions pour habiter l'âme d'une personne digne de les recevoir. Et visiblement, il semble que tu portes en toi l'âme d'un de ces Aces. » Complètement bogué par ce qu'il venait d'entendre, Warren ne dit rien. Dans son esprit, tout une myriade de choses lui venaient en tête. Que faisait-il ici ? Pourquoi discutait-il avec un Elfe racontant des choses qu'il jugeait farfelues ? Pourquoi serait-il le réceptacle d'une âme vieille de plusieurs milliers d'années ? Lui, un simple lycéen qui avait déjà du mal à bien se comporter, que ce soit chez lui ou au lycée. Il fit le point quelques instants avant de répondre : « Vous êtes en train de me dire que l'esprit d'un de ces Aces est venu jusqu'à moi ? - Oui, enfin, je le pense. - Comment ça “je le pense” ? demanda Warren, très intrigué. - Eh bien, contrairement à Dan qui en est un aussi et avec lequel il s'est rapidement et parfaitement adapté, ton esprit lutte et semble ne pas s'accommoder avec l'âme du Guerrier. C'est comme si on te greffait quelque chose, du style un cerveau, mais que ton corps le rejetterait. Tu me suis ? - Jusque là, ça va… quoique la comparaison avec la greffe de cerveau ne semblait vraiment pas nécessaire. - Quand j'ai raconté mon histoire, j'ai constaté que tu ne suivais pas du tout, ce qui était simple à remarquer. Mais j'avais toutefois perçu ce petit quelque chose qui te rendait différent des autres. J'ai alors décidé de manipuler ton esprit, avec succès je dois dire, ce qui t'a poussé à sortir cette remarque déplaisante et insultante, m'obligeant à t'amener ici. - DE QUOI ?????? VOUS ÊTES EN TRAIN DE ME DIRE QUE SI JE SUIS ICI, C'EST EN PARTIE VOTRE FAUTE, hurla Warren, une fois qu'il eut compris ce qu'il venait d'entendre. - Oui, j'avais besoin d'un prétexte, aussi futile soit-il, pour m'entretenir avec toi et voir si ce que je constatais chez toi n'était pas qu'une simple intuition. Encore désolé de t'avoir allumé. - Là, n'est pas la question. Je veux savoir comment vous avez fait pour me pousser à protester contre vous. - Tu n'y comprendrais rien mais je peux agir sous forme de “télépathie persuasive” dans l'esprit des hommes. - Comment est-ce que je dois le prendre ? - Comme tu veux mais en tout cas, si tu es là, c'est qu'il y a une raison valable. Warren, je veux te tester. - Me tester pour quoi faire ? Bordel, on est ici depuis dix minutes et vous ne m'avez toujours rien dit… - Comme je te le dis, je pense que tu abrites l'esprit d'un Ace. C'est pour ça que tu va devoir passer une ordalie pour vérifier mes hypothèses. - Et il y a combien d'épreuves dans cette ordalie ? - Tout dépend de la volonté que tu consens à mettre dans ces épreuves. - C'est-à-dire ? - Deux. - Ben voilà, allez droit au but et ne me perturbez pas avec vos phrases compliquées. On aurait pu gagner dix minutes en me disant simplement : “Je veux te faire passer deux épreuves”. C'est quoi la première épreuve ? - Attends ? Tu acceptes sans hésiter ? Tu es vraiment sûr de vouloir les essayer ? Si tu échoues, tu le payeras de ta vie. - Non, je ne suis pas sûr, mais si c'est le seul moyen pour quitter cet endroit, autant me jeter à l'eau. - Intéressant ! Il fonce tête baissée dans un endroit qui peut lui ôter la vie et il n'a pas froid aux yeux…- Bon, vous me faites passer cette épreuve ? - Deux minutes… laisse-moi t'emmener à l'endroit où cela se déroulera. - Ce n'est pas ici ? - Non. Tu vas traverser ce couloir jusqu'à arriver à une porte. Prends-là et tu verras. » Sans hésiter, ou bien sans réfléchir, Warren s'exécuta et marcha dans ce couloir, qui était de plus en plus difficile à distinguer. Même la petite sphère lumineuse argentée d'Elhahr avait du mal à éclairer le tout. C'était quelque chose de plutôt sinistre : aucune décoration, ornement, gravure représentant quelque chose en lien avec les Aces ou les Elfes. Rien, des murs nus, sombres, peu rassurants. Ils marchèrent pendant au moins trois minutes avant qu'une vieille porte finit par apparaître dans leur champ de vision. Elle était vraiment âgée, en très mauvais état, étant donné le bois pourri par endroits et les ornements métalliques rouillés. Warren s'approcha doucement de celle-ci, mais hésita à cause d'éventuels pièges. Il posa sa main sur la clanche qui reflétait l'atmosphère de cette partie du couloir : glacée. Cette poignée était transparente et translucide. Elle devait sans doute être faite de verre ou bien d'un cristal si pur que même la saleté ou les effets du temps n'ont pu l'abîmer. Warren retira aussitôt sa main de la clanche étant donné la froideur de celle-ci et jeta un bref coup d’œil à Elhahr, qui se tenait toujours derrière lui. Il le fixait d'un air de dire “ Concentre-toi Warren. Ne te laisse pas avoir par le premier obstacle…”. Prenant son courage à deux mains, Warren ouvrit cette porte, mais garda les yeux fermés lorsqu'il pénétra dans la salle suivante. Lorsqu'il les ouvrit à nouveau, il se trouvait dans une sorte de vide intersidéral. Sa première réaction fut la stupeur, enchaînant ensuite avec de l'incompréhension. Se retournant vers Elhahr, il entendit une question : « Alors ? Première réaction ? - C'EST QUOI CE BORDEL ??? - Là où tu vas devoir renouer avec ta destinée, vérifier mes intuitions et sauver ta propre vie. - Et qu'est-ce qu'il va falloir que je fasse ? - Tu vois les deux piliers de glace ? - Les quoi ? Les piliers ? Évidemment que je les vois. Il n'y a que ça dans la salle. - Tu sais ce qui te reste à faire alors. Voici ta première épreuve. Je te souhaite bon courage. - C'est quoi cette épreuve ? - À toi de le découvrir. Au fait… inutile d'essayer de rebrousser chemin ou de tambouriner sur la porte pour que je te fasse sortir d'ici avant la fin de ton ordalie. La porte ne s'ouvrira que lorsque tu auras fini la deuxième épreuve. - Et si je rate ? - Tu seras à l'image de ces piliers : un bloc de glace jusqu'à la fin des temps, prisonnier à perpétuité. - Formidable… Et vous alors ? Vous allez où ? - Moi ? Je suis obligé d'attendre de l'autre côté. De toute façon, je pourrai m'assurer du déroulement de cette épreuve. Si tu meurs, je le saurai. - Mais attendez… » Mais trop tard ! La porte s'était déjà refermée derrière Warren, plongeant la salle dans un profond silence. Warren se retrouvait désormais seul. Il s'approcha lentement des piliers pour les examiner. La confiance qu'il avait en entrant dans la salle s'était évaporée dans une ambiance polaire. Quelques frissons commençaient à s'emparer de lui. “ Mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? Est-ce que je dois réellement survivre ou bien tout ça n'est qu'un rêve trop bien ficelé ?”, pensa le jeune homme livré à lui-même.
|
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Le Démon d'un Autre Monde - version réécrite | |
| |
| | | | Le Démon d'un Autre Monde - version réécrite | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |