La pluie martelait les murs de pierre de la vieille citadelle et le vent menaçait à chaque instant de la faire chavirer comme une vulgaire barque. L’eau s’engouffrait déjà par les nombreuses fissures que comportait le vieux bâtiment. Le tonnerre gronda soudain, et au même moment, un éclair pourpre illumina le ciel noir.
Dans une petite pièce, quatre personnes étaient réunies autour d’une grande table de marbre nu, et nul ne disait un mot. Ils attendaient simplement la fin de la tempête mortelle. Après tout, ils ne faisaient que ça depuis des siècles attendre, ils pouvaient bien patienter encore un peu.
Chacun portait une longue cape d’une couleur différente de celle de son voisin, cachant leur visage. Cependant, une paire d’yeux rouges sang brillaient d’un faible éclat derrière la capuche vermillon de celui se tenant au bout de la table. Il semblait observer ses camarades, les juger.
Soudain, son poing s’abattit avec violence sur le marbre froid, créant une autre fissure.
-C’est inadmissible ! Gronda-t-il furieusement. Jamais nous n’aurions dû laisser Gariatron partir. Cela fait maintenant près de cinq mille ans qu’il nous a promis de revenir, et où en sommes-nous à présent ? Toujours au même point ! Vous trouvez cela normal mes frères et sœur ?
-Calme-toi Pyros tu veux bien ; répondit celui à la cape verte d’une voix dénuée de sentiment. Il n’a pas d’autre choix que de la tenir, sinon, il sait ce qu’il lui arrivera.
-Tu es bien sûr de toi mon pauvre Typhos ; repris une voix féminine. En cinq mille ans, il est très facile de contourner un serment aussi poussiéreux que celui-là.
-Tu n’as rien à dire Tellas ! Cria l’homme à la cape verte en se levant brutalement. Si Luminion nous a trahis, c’est justement à cause de ce genre de raisonnement !
-Et que veux-tu faire toi ? Le suivre à la trace ? Nous ne savons même pas où il se trouve en ce moment !
-Nous avons perdu les deux plus puissants d’entre nous, c’est regrettable en effet ; dit alors l’homme à la cape bleu qui ne s’était pas encore exprimé.
-Et que comptes-tu faire à présent Syphos ? Demanda le rouge.
-C’est très simple, il est temps pour nous d’enfin nous montrer au grand jour et de prendre notre revanche sur ces… « dieux » qui nous ont déshonorés !
Tous acquiescèrent d’un signe de tête, et, malgré la pénombre, un sourire semble se dessiner sur les lèvres de celui qui venait de proposer cela.
Un autre éclair zébra le ciel, et des ombres monstrueuses se dessinèrent alors derrière les quatre personnes présentes, des ombres de démon…
Au même moment, dans une autre partie du monde, en Egypte ancienne, près de la tombe du pharaon sans nom, un homme luttait contre la tempête de sable se tenant là. Il avançait en regardant toujours devant lui, sans jamais se retourner. Il était un point noir au milieu d’un océan de jaune, cela était dû au manteau qu’il portait pour se protéger du sable volant.
Il s’arrêta soudainement au milieu de nulle part et se mit à contempler les environs en fronçant les sourcils.
-Tu es sûr que c’est ici Gariatron ? Demanda-t-il dans le vide.
-Bien entendu ; lui répondit une voix dans sa tête. Pour qui me prends-tu Shadow ? Bien, il est temps de le ressusciter.
-Je ne vois pas en quoi cela t’aidera, tu es déjà bien plus fort que lui…
L’homme soupira et sortit un petit objet en or en forme d’anneau et le posa à terre. L’anneau d’or se mit à briller soudainement d’une lumière intense, et un immense rayon lumineux fusa en direction du ciel, dissipant la tempête.
Mais, l’obscurité des nuages fut bientôt remplacée par l’ombre d’un immense colosse noir. Il descendait lentement sur terre, sa deuxième tête de dragon crachant de grandes flammes dans le ciel. Lorsqu’il se posa, toute la terre autour de lui sembla perdre vie instantanément.
-Quel misérable humain se croit assez fort pour invoquer le tout puissant Zorc l’obscur ? Dit-il d’une voix grave résonnant à des kilomètres à la ronde.
-Moi, Shadow, le voile des ténèbres devant recouvrir ce monde ; dit l’homme en s’inclinant.
-Je te suis reconnaissant humain, de m’avoir libéré. Voici ta récompense !
Le démon tourna sa tête de dragon vers le dénommé Shadow et lui lança un puissant jet de flammes. Alors, un rire grave retentit. Zorc stoppa immédiatement le déluge et constata avec surprise qu’une barrière venait de se former autour de l’homme. Il n’avait même pas bougé le petit doigt et continuait de sourire bêtement.
-Comment est-ce possible ! Gronda Zorc.
-Nous sommes partis sur de mauvaises bases je pense ; reprit l’homme au manteau noir. Je suis donc Shadow, celui qui t’a libéré et qui abrite actuellement l’esprit de ton maitre : Gariatron, le démon originel des ténèbres.
-Mensonges ! Mon maitre a sombré depuis des millénaires, pourquoi viendrait-il partager le même corps qu’un minable de ton genre ?
-Tu n’avais pas besoin de le rappeler ça…Marmonna Shadow pour lui-même…Bref, tu veux une preuve ? En voici une !
L’ombre derrière lui s’allongea et se détacha soudainement du sol. Un œil rouge apparut alors et fixa Zorc d’un air mauvais. Ce dernier recula brutalement et commença à rétrécir. Bientôt, il ne resta du grand démon que le corps frêle d’un être humain. Il possédait des cheveux blancs en bataille et l’anneau d’or était à présent autour de son cou.
-Oh non, ne me dis pas que je suis à nouveau enfermé dans ce corps ridicule ! Se lamenta L’ex Démon. Il n’y a qu’une seule personne capable de faire ça….Gariatron ?
-Bien, je crois que nous allons pouvoir nous entendre à présent, nous avons tant à faire…