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Chapitre 5 : L’ombre des ténèbresNous arrivâmes devant le portail de l’école, encore essoufflés par notre course folle à travers la ville. Cependant, il n’y avait personne à la grille. Tout était calme. Où était donc passé Shadow ?
Une pensée affreuse me traversa l’esprit. Et si jamais il s’était déjà introduit dans l’école et retenait prisonnier tous mes camarades ? Si tel était le cas, jamais je ne me le serais pardonné. C’était moi que Shadow voulait, les autres n’avaient rien à voir là-dedans.
Non, je devais me calmer, il ne ferait jamais ça tant que Laura serait là elle aussi, il avait beau être maléfique, elle n’en restait pas moins sa fille…
Je franchis la grille prudemment, Saya sur mes talons. Une fois au milieu de la grande cour, il n’y avait toujours aucun signe de notre ennemi.
C’est alors que j’entendis un bruit de pas derrière moi. Je me retournai avec un sursaut et je fis face à mon pire cauchemar.
Il était bel et bien là, notre ennemi ayant fait un pacte avec Gariatron, l’homme ayant tenté d’éradiquer tout sentiment sur terre, le père de ma meilleure amie, mieux connu sous le nom de Shadow.
Il me faisait face, le visage serein. Il n’avait pas l’air de m’en vouloir, il ne semblait même pas venu là avec de mauvaises intentions, si on exceptait son étrange manteau noir qui lui faisait office de cape. Si je ne le connaissais pas, j’aurais certainement pensé qu’il s’agissait d’une personne normale allant à un bal costumé.
Je restai cependant sur mes gardes, il était capable de tout…
-Tiens, Darksky ; déclara-t-il joyeusement, je ne pensais pas que tu serais le premier sur qui je tomberai en arrivant ici, c’est une drôle de coïncidence tu ne trouves pas ?
-Très drôle oui. Et moi je ne pensais pas vous revoir un jour ; répondis-je froidement.
-Oh, tu me sembles quelque peu en colère contre moi. Je n’ai pourtant encore rien fait de mal ; déclara-t-il en penchant la tête sur le côté.
-Pas « encore », cela signifie donc que vous allez faire quelque chose n’est-ce pas ?
-Je ne sais pas ; dit-il en regardant en l’air, ça dépendra de lui.
-De… « lui » ? Répétai-je sans comprendre.
-Enfin, pour le moment, je suis libre de faire ce que je veux, donc est-ce que tu pourrais me dire où se trouve ma fille que je lui annonce la bonne nouvelle ?
Il s’arrêta soudainement et se raidit.
-Comment ça je n’ai pas le temps ? Bien sûr que si !... Qu’est-ce que tu me chantes là ? Et ta promesse alors ? Je savais que je n’aurais pas dû te faire confiance !... Si tu le dis…
Il se tourna à nouveau vers moi.
-Ne fais-pas attention à ce que je raconte, je débloque un peu je crois…mais j’ai une urgence, je repasserai plus tard. Dis tout de même à Laura que je suis venu !
Il repartit aussi vite qu’il était arrivé, et avant même que je n’aie pu comprendre ce qu’il se passait, il n’était plus là. Saya ne savait plus quoi dire non plus, mis à part une remarque assez inappropriée à la situation :
-Le père de ta copine est schizophrène ? Dit-elle naivement.
-Parle pour toi, je te signale que Shadow n’était pas là lorsque nous sommes arrivés ! Qu’est-ce qu’il t’a pris de dire une chose pareille ! Répliquai-je d’un ton tranchant. Je ne savais même pas pourquoi je m’énervai à ce moment, mais sa remarque me déplut.
-Mais pourquoi… Je l’ai pourtant vu… Répondit-elle d’une petite voix. Il était devant l’école… Et… Je ne comprends pas…
Elle recula, tremblante. Saya était pâle comme un linge, et au bord des larmes. Je me sentis tout à coup coupable d’avoir été aussi dur. Il fallait que je me rattrape, me disais-je, mais je ne voyais rien qui pouvait nous aider. Saya avait vu Shadow, mais il n’était arrivé que quelques instants après nous… C’est alors que je me rappelai soudainement de notre première expédition, sur l’ile déserte. Saya avait également eu une vision du futur et nous avait sortis d’un mauvais pas de cette manière. Etait-ce le même phénomène qui se reproduisait aujourd’hui ?
-Dis-moi Saya…Repris-je d’un ton plus doux, s’agissait-il par hasard d’une autre de tes visions du futur ?
Elle me regarda, interloquée.
-Comment… Comment as-tu deviné ?
-Et bien, ça fait quand même deux fois que tu me fais le coup, c’était une simple hypothèse en fait.
-Mais ton hypothèse est bonne malheureusement…
Ce fut à mon tour d’être interloqué. Je ne pensais vraiment pas avoir raison. Saya s’assit sur un banc et se prit la tête dans les bras.
-C’est bien cela Darksky, je peux effectivement voir l’avenir ; dit-elle tristement.
-Mais comment ? Je veux dire, depuis quand as-tu ce…don ?
-« Je ne sais pas trop si on peut appeler ça un don. Aussi loin que je me souvienne, j’ai dû ‘acquérir vers dix ans. A cette époque, j’étais souvent seule, puisque comme je te l’ai dit, mes parents ne me reconnaissaient pas comme leur fille. Je m’enfermais de longues heures durant dans ma chambre, je contemplais le plafond, ne pensant à rien en particulier. Ma vie n’avait aucun sens maintenant que j’y repense, elle était totalement creuse. Chaque journée se ressemblait, et l’ennui était omniprésent. Je ne voyais pas au-delà du lendemain, et même le moment présent était souvent un tourbillon obscur dans mon esprit. C’est alors que j’ai commencé à voir des choses qui n’avaient pas lieu lorsque je fermais les yeux pour échapper à ce monde monotone. Au début, j’ai d’abord pensé que j’étais folle, ce que je suis peut-être après tout qui sait, cependant, ces événements se réalisaient toujours quelques instants après. Belle ironie du sort, tu ne trouves pas ? La fille incapable de s’insérer dans le présent se met à pouvoir voir le futur… Je me souviens qu’un jour, alors que j’étais en classe, j’ai fermé les yeux, et j’ai vu une des lampes du plafond tomber juste derrière la tête de l’un de mes camarades. Une seconde après, j’entendis un bruit de métal derrière moi. Mais je ne sais rien de plus sur ce pouvoir. Comment l’ai-je obtenu ? Pourquoi l’ai-je obtenu ? Quoi qu’il en soit, il semblait avoir disparu lorsqu’Hélios m’a recueillie, et tu l’as fait ressurgir durant notre expédition. »
Un léger sourire fendit son visage, bien qu’elle gardât son regard triste. J’essayai encore de digérer son histoire qui semblait tout droit sortie d’un conte de fée.
-Tu dis que c’est à partir du moment où Hélios t’a recueilli que tu as cessé d’avoir ces visions. N’était-il pas, toutes mesures gardées, comme le père que tu n’as jamais eu ?
Elle leva les yeux vers moi, intriguée.
-Ce n’est peut-être pas vraiment approprié. En m’exprimant mieux, tes visions ont commencé lorsque tu étais incapable de voir plus loin que l’instant présent. Mais lorsque tu l’as rencontré, l’horizon ne s’est-il pas dégagé pour toi ? N’était-il pas pour toi l’élément perturbateur qui faisait de tes jours quelque chose d’intéressant et unique ? N’était-il pas celui qui te permettait d’oublier toute ta solitude passée ?
-Il se servait de moi, je le sais. Et puis, je ne me suis jamais sentie aussi seule que durant cette période, ta théorie ne peut être vraie.
-Tu te sentais seule, certes, mais au fond de toi, ne savais-tu pas, même s’il est dur de l’admettre, que l’attention qu’Hélios a porté sur toi était un signe que tu n’étais pas seule au monde ? Qu’une personne au moins se préoccupait de toi et savait que tu existais ?
-Tu pars dans des raisonnements métaphysiques trop compliqués pour moi ; dit-elle alors en retrouvant sa gaieté habituelle. Garde tout ça pour l’année prochaine, et qui sait, tu pourrais éventuellement obtenir de bonnes notes.
-Mais J’AI de bonnes notes ; rétorquai-je, heureux d’entendre à nouveau ses taquineries.
Elle se leva d’un bond. Elle avait retrouvé, en un instant, toute son énergie. Je ne savais pas si cela était dû à mes raisonnements ou bien au fait qu’elle ait pu parler de son passé à quelqu’un, mais à présent, toute la tristesse dans son regard s’était évaporée.
-Bien, assez parlé de moi ! Déclara-t-elle. Il vaut mieux que nous retournions en cours, sinon j’en connais qui ne seront pas très contents.
-Pourquoi toujours être aussi pressée ; soupirai-je en entamant le pas derrière elle qui marchait rapidement devant moi.
Quoiqu’elle en dise, Saya n’était plus seule. Elle m’avait moi, et également le club de duel en formation désormais. Elle ne devait plus s’enfermer sur elle-même, je voulais la voir toujours ainsi, joyeuse et pleine d’énergie. C’était ainsi que je l’avais toujours connue, c’était la véritable Saya pour moi. Elle ne devait pas rejeter son pouvoir, ce dernier lui avait été donné pour apprendre à regarder vers avant, j’en étais persuadé. Par qui ? A ce moment-là, je n’avais pas de réponse à cette question, et je n’en cherchais pas. Je considérai simplement cela comme une chance qu’elle avait eu, une chance que j’aurais bien aimé obtenir également…
Lorsque nous arrivâmes en cours, ceux-ci étaient terminés bien évidement. Nous avions certainement l’air intelligents lorsque nous restâmes devant la porte de la salle de classe vide.
Nous éclatâmes de rire sans même savoir pourquoi. Nous avions remplacé le cours d’histoire par l’histoire de la vie de Saya…
-Enfin je te trouve ! Dit une voix dans mon dos.
Je me retournai et je me retrouvai nez à nez avec ma sœur.
-Tu sais que ça fait presque un quart d’heure que je te cherche ; râla-t-elle.
-Désolé, j’étais assez…occupé disons…
-Enfin, tout cela ne me regarde pas ; dit-elle en haussant les épaules. J’ai croisé ta nouvelle amie dans un couloir, Hikari Miyako je crois, qui m’a dit qu’elle t’attendait sur le toit, avec Saya.
Nous nous regardâmes sans comprendre, puis nous décidâmes d’aller à ce rendez-vous impromptu. Tout cela était très étrange, pourquoi Miyako voudrait voir Saya sur le toit alors que la veille même, elle était à deux doigt de la réduire en bouillie ? Le seul moyen de le savoir était de lui demander directement.
Nous montâmes les escaliers menant à la terrasse. Il y avait toujours ces panneaux d’interdiction, mais je les ignorai et je poussai la lourde porte qui s’ouvrit en grinçant.
Saya se précipita au bord du bâtiment et fut immédiatement émerveillée par la vue. Je me rappelai alors que c’était la première fois qu’elle venait ici. Je la comprenais, j’avais eu la même réaction qu’elle.
-Je vous attendais.
Comme sortie de nulle part, Miyako apparut à nos côtés. Elle semblait scintiller dans la lumière du soleil couchant. Ses longs cheveux roux, quant à eux, semblaient en feu, et son regard était comme fait d’or. Elle n’avait rien à voir avec la fille de notre club, prétentieuse et autoritaire, que nous connaissions.
-Je suis contente que tu sois venue avec elle ; dit-elle en désignant Saya. Hier, j’étais sur le point de lui parler de l’origine de son deck mais elle est partie trop rapidement.
-Alors tu ne bluffais pas ? Lui demanda Saya, méfiante.
-Non, Miyako disait la vérité, elle connait l’origine de ce deck.
-On peut savoir pourquoi tu parles de toi à la troisième personne soudainement ? Lui demandai-je surpris.
-J’ai le droit, non ? Répondit-elle avec un sourire. Mais Saya, es-tu sûre de toi ? Ne préfères-tu pas le découvrir par toi-même ?
-Je ne vois pas pourquoi je m’embêterais à chercher alors que la réponse est juste sous mon nez…
-Tu peux voir les choses ainsi oui, mais si je te disais que ce que je vais te dire n’était qu’une partie de la vérité, la partie émergée de l’iceberg plus exactement, penses-tu que cela te serait bénéfique ?
-Je suis perdue là… Tu sais d’où vient mon deck oui ou non ?
-Miyako le sait, oui.
-Mais tu ES Miyako !
-Je l’étais, à présent, je ne sais même plus ce que je suis…
-Que veux-tu dire par là ? Demanda Saya, troublée.
Miyako se contenta de fermer les yeux puis de sourire. Un flash de lumière nous aveugla momentanément. Lorsque nous ouvrîmes les yeux, nous étions seuls…